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Ecological  Solutions Roundtable


AGRO-BIO - 370 - 08

LA VARROASE(1) DES ABEILLES

 

par Alexandre Hanley et Jean Duval, agr.

février 1995

1. Les termes varroase et varroatose peuvent être utilisé au choix pour décrire le parasitisme du varroa.

 

Table des matières

Généralités

  • Symptômes et description
  • Cycle de vie
  • Mesures préventives
  • Moyens de lutte

  • Dépistage
  • Moment d'intervention
  • Moyens de lutte physiques
  • Piègeage
  • Thermothérapie
  • Produits anti-adhésifs
  • Électricité
  • Moyens de lutte biologiques
  • Autres moyens de lutte
  • Acide formique
  • Roténone
  • Aromathéraphie
  • Répulsifs
  • Sulfate de cuivre
  • Homéopathie
  • Conclusion

    Bibliographie

    GÉNÉRALITÉS

    Le varroa (Varroa jacobsini) est un ectoparasite de l'abeille qui menace aujourd'hui l'industrie apicole québécoise et, par le fait même, toutes les exploitations qui font usage des qualités pollinisatrices des abeilles. À l'origine, le varroa était un parasite de l'abeille asiatique (Apis cerena) seulement. Cette espèce d'abeille, qui est exposée au varroa depuis des milliers d'années, a adapté son comportement en fonction du parasite et a développé un équilibre avec le parasite. Elle peut donc aujourd'hui nettoyer sa ruche elle-même, réduisant l'impact du varroa à un niveau acceptable.

    L'infestation dont sont victimes nos ruches maintenant résulte de l'importation en Indonésie d'abeilles italiennes (A. mellifera mellifera) plus productives, mais aussi plus susceptibles à V. jacobsini que l'abeille asiatique. Contrairement à l'acarien de l'abeille (Acarapis woodi) qui se propage peu, le varroa est facilement transporté par les abeilles d'une colonie à l'autre. Le parasite a donc progressé de l'Asie vers l'Europe, l'Afrique, l'Amérique du sud et on le retrouve maintenant en Amérique du nord aussi. Ce n'est qu'une question de temps avant que sa présence soit généralisée au Québec. Pour l'instant, il s'agit d'une maladie à déclaration obligatoire qui relève d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada et de ses inspecteurs.

    Les produits chimiques de synthèse recommandés contre le varroa posent certains problèmes. Ils ont tendance à s'accumuler dans les cires des ruches et se trouve concentrés après le recyclage de la cire. Ainsi, en France, on retrouve maintenant jusqu'à 2,5 mg/kg de Fluvalinate dans les cires commerciales recyclées (Péguin, 1991). Outre la contamination du miel que ces résidus peuvent entraîner, l'acarien se trouve ainsi exposé à de petites doses d'acaricides, ce qui favorisent le développement d'une résistance à ces produits. De tels problèmes de résistance sont d'ailleurs apparus en France.

    Symptômes et description

    Le varroa est un acarien (ou mite) de couleur brun-rouge ou marron-brun de 1,1 à 1,2 mm de long et 1,5 à 1,6 mm de large, soit environ la grosseur d'une tête d'épingle. Contrairement à l'acarien de l'abeille qui est un parasite interne, le varroa est un parasite externe. Son corps est recouvert de nombreuses soies qui lui permettent de s'agripper à l'abeille. On peut voir les varroa adultes à l'oeil nu entre les segments abdominaux du ventre des abeilles. Sur les nymphes parasitées, on distingue des points marron.

    Sur les abeilles adultes, et surtout chez le faux-bourdon, les ailes sont souvent déformées ou formées qu'en partie à cause du varroa. D'autres effets de ce parasitisme sont une durée de vie raccourcie de 1,4 à 2 fois et un affaiblissement général. Ainsi, les abeilles perdent environ 25% de leurs poids et on les voit souvent ramper à l'entrée de la ruche. Les plaies provoquées par le varroa servent de point d'entrée pour les infections virales.

    Lorsque plus de 8 acariens sont présents dans une cellule, la pupe meurt. Les couvains morts montre des symptômes semblables à ceux de la loque américaine: effondrement du couvert de la cellule, présence de petits trous et odeur désagréable.

    Cycle de vie

    La femelle varroa pond ses oeufs dans une cellule occupée par une larve d'abeille nourrie. Après que les ouvrières ont operculé la cellule, la femelle pond de 4 à 15 oeufs. Deux types d'oeufs sont présents: ceux qui ont été fertilisés par le mâle varroa deviendront des femelles alors que les oeufs stériles produiront des mâles. Les larves sont nourries à même la nourriture de l'abeille. Les mâles atteignent le stade adulte en 5 à 7 jours tandis que les femelles en prennent de 7 à 9. Elles pourront alors attaquer l'abeille et se nourrir de son hémolymphe (sang), substance qui leur est essentielle pour pouvoir pondre. Les femelles varroas prennent les deux tiers de leurs poids en sang tous les deux heures environ. Quant aux mâles, ils ne peuvent pas percer la carapace de l'abeille et dépendent donc de la nourriture présente dans la cellule. La fécondation a lieu avant que l'abeille n'émerge de sa cellule. Les mâles meurent alors faute de nourriture tandis que les femelles continuent à vivre jusqu'à trois mois l'été et jusqu'à six mois l'hiver.

    Au stade adulte, les femelles varroa se déplacent dans la ruche en s'accrochant aux abeilles. Elles préfèrent les abeilles qui restent à la ruche à celles qui en sortent régulièrement. Si le choix leur est offert, les femelles varroa préfereront les cellules de faux-bourdons pour la ponte. Elles le feront habituellement dans les deux semaines suivant leur éclosion. Le plus souvent, seulement une femelle varroa s'accroche aux abeilles, mais jusqu'à 18 ou 20 sur les faux-bourdons.

    Pour une revue complète de la biologie et du comportement du varroa, voir le livre de P. Robaux intitulé Varroa et varroatose, éditions Opida, 1986.

    Mesures préventives

    Pratiques pour limiter l'expansion du varroa

    Plusieurs facteurs peuvent contribuer à propager le varroa, certains que l'apiculteur peut contrôler, d'autres non. Parmis les facteurs que l'apiculteur ne peut contrôler on compte par exemple la migration des faux-bourdons, qui peuvent facilement voyager 10 à 20 km par jour pour se trouver une nouvelle colonie. En France, où l'infestation du varroa a commencé en 1982, il a été observé que la propagation naturelle n'est toutefois que de quelques kilomètres par année et que c'était plutôt la vente d'essaims et autres pratiques qui dépendent des apiculteurs qui expliquait l'expansion rapide du varroa (Bosse-Platière et al., 1987). Ainsi, l'achat de cadres en provenance d'une colonie infestée, le déplacement des ruches, le commerce des couvains ou des reines d'une région où le varroa est présent, même avec un certificat de santé de la colonie, sont toutes des pratiques qui peuvent contribuer à l'expansion du varroa. Les essaims migrants ne peuvent pas être empêcher, mais l'accueil d'un tel essaim doit faire l'objet d'un suivi immédiat.

    Pratiques pour renforcer les colonies

    Comme les colonies pourvues de reines jeunes résistent mieux au varroa, il est recommandé de renouveler les reines. On peut aussi faire de nombreux essaims et les traiter hors couvain. On veillera à ce que la nourriture d'hivernage soit généreuse.

    Tisane renforcissante pour la ruche (Roger, 1992)

    La recette de sirop qui suit renforcirait l'organisme des abeilles et leur permettrait de mieux résister au varroa selon des apiculteurs biologiques européens.

    - Mettre dans de l'eau froide de l'écorce de chêne et de la prêle des champs.

    - Faire bouillir 10 à 20 minutes

    - Ajouter des feuilles d'ortie, des fleurs de pissenlit, de camomile, d'achillée mille-feuille et de valériane (10 g de chaque plante sèche suffiront pour 100 litres de sirop)

    - Laisser infuser 10 minutes, filtrer et refroidir

    - Ajouter un demi-litre de vinaigre de cidre bio et 6 kg de miel chauffé à 6 litres de la tisane, qui donneront 11 litres de sirop

    - Distribuer à chaque ruche après la récolte à raison de 1 litre par ruche

    LE POINT DE VUE DES BIODYNAMISTES

    Les apiculteurs biodynamiques (Hauk, 1990) considèrent le problème du varroa comme étant le résultat d'une dénaturation de la ruche par l'homme. Déjà, en 1923, Rudolf Steiner avait prédit que l'abeille domestique survivrait difficilement à la fin du siècle. La ruche naturelle, et vers laquelle le modèle devrait tendre selon eux, n'est pas de forme carré, mais plus ou moins cylindrique. De plus, les rayons ne sont pas symétriques mais bien entrelacés dans une ruche à l'état sauvage. Un retour à une forme plus naturelle, ainsi que la récolte uniquement des surplus de miel, renforcerait la colonie et lui permetterait de mieux combattre selon eux.

     

    MOYENS DE LUTTE

    Dépistage

    Comme le varroa n'a été éradiqué d'aucune région du monde infestée à ce jour, il est important d'apprendre à cohabiter avec le parasite. Une colonie peut survivre à une faible population de varroa; les vrais problèmes apparaissent quand la population de varroa prend de l'expansion. Cela prend généralement de deux à quatre ans après le début de l'infestation avant que la situation ne soit critique. La multiplication du varroa varie d'un facteur de 7 à 10 par année selon les conditions climatiques. Exceptionellement, des multiplications par 1000 ont cependant déjà été observé. D'où l'importance d'un suivi constant des colonies.

    Un bon programme de dépistage pourra ralentir la progression de l'acarien dans la province, mais, comme dit précédemment, ce n'est qu'une question de temps avant que sa présence soit généralisée. Dans les ruchers déjà infestés, le dépistage revêt autant d'importance, bien qu'il joue un tout autre rôle. Il s'agit d'évaluer l'importance de la population périodiquement pour décider de la pertinence d'un traitement. Voici quelques méthodes de dépistage.

    Méthode de dépistage simplifiée

    Une première méthode de détection, utilisée conjointement avec la plupart des traitements, consiste à dénombrer les acariens qui tombent au fond de la ruche. On dispose un papier enduit d'un corps graisseux ou collant à la base de la ruche qu'on remplace tous les deux ou trois jours. Parmis les débris qui se retrouveront sur le papier, on compte les varroas. Pour chaque acarien trouvé mort (sans traitement), on estime de cent à cent cinquante le nombre de vivants dans la ruche. Pendant l'été, moins de dix acariens trouvés en une journée est un seuil acceptable. Lorsque ce seuil est dépassé, on doit traiter la colonie ou utiliser une technique de dépistage plus précise (Péguin, 1989). La plupart des auteurs considère qu'une colonie peut rester saine avec 2 à 3000 acariens.

    Test à l'acide formique

    Cette technique de dépistage est maintenant approuvée par le gouvernement fédéral dont les inspecteurs n'utilisaient autrefois que des acaricides de synthèse lors du dépistage. Il s'agit d'abord de placer un papier collant recouvert d'un grillage de mailles de 3mm au fond de la ruche. On dispose 20 ml d'acide formique à 65% sur du papier absorbant également au fond de la ruche. Finalement, on compte le nombre d'acariens retrouvé sur le papier après 24 ou 72 heures.

    Décompte sur les abeilles

    Cette méthode très précise, consiste à prendre de 200 à 500 abeilles adultes (un multiple de 100) et de les placer dans un contenant rempli d'alcool ou d'eau bouillante additionnée d'un pourcent de détergent. En brassant pendant 20 minutes, les varroas seront séparés de leurs hôtes et, suivant le comptage, le taux d'infestation pourra être déterminé par une simple règle de trois. Le tableau 1 permet d'évaluer l'importance de l'infestation. Bien que cette technique ne donne pas d'indication directe de l'état du couvain, elle permet néanmoins une estimation fiable de la situation.

    Tableau 1 - Importance de l'infestation de varroa selon le % dénombré par le décompte à l'alcool

    % d'infestation calculé Évaluation de la situation
    5% ou moins Infestation peu sévère, on ne voit pas les varroas facilement
    5 à 10% Infestation sévère. Hivernage difficile et risqué sans traitement
    10 à 20% Les symptômes sont évidents. Si le diagnostic est fait au printemps, la colonie ne passera pas l'hiver
    plus de 20% Il ne reste que quelques semaines de vie à la colonie
    plus de 30% La colonie est une perte totale

    Source: Ritter (1983) cité par Robaux (1986)

    Évaluation du couvain operculé

    Une autre technique est l'évaluation de la santé du couvain operculé. Lorsque plus de 10% des cellules d'ouvrières ou plus de 50% des cellules de faux-bourdons sont affectées, la colonie est en danger. Pour avoir un échantillon représentatif, il est recommandé de vérifier un minimum de 100 larves (Péguin, 1989).

    Moment d'intervention

    La plupart des traitements qui impliquent des solutions à appliquer doivent être faits en dehors de la miellée puisqu'ils pourraient poser préjudice à la qualité du miel. On doit donc traiter:

    1. Au début de l'été pour s'assurer que la population de varroa soit minimale avant une longue période sans traitement;

    2. Après la récolte pour renforcer la colonie avant l'hiver;

    3. Si la population de varroa dépasse le seuil de tolérance.

    Les traitements de printemps et d'automne ont l'avantage de coincider à des périodes où la reine n'est pas active, où il n'y a pas de couvain, et par le fait même, aucun varroa ne peut échapper à un traitement ponctuel. La formation d'essaims au printemps crée une situation semblable (absence de couvain) qui facilite le traitement.

    En raison du rythme de reproduction très rapide du varroa, les moyens de lutte alternatifs aux acaricides de synthèse ne donnent pas toujours des résultats suffisants. Aucun produit, même l'acide formique qui est plus efficace que les produits de synthèse, n'est efficace à 100%. L'éradication à 100% n'est donc pas possible ni non plus souhaitable. Si nous pouvons maintenir le niveau d'infestation bas, les colonies pourront graduellement développer une plus grande résistance au varroa.

    L'approche à adopter sera de combiner différents moyens de lutte.

    Moyens de lutte physiques

    Piégeage

    Les méthodes de piégeage suivantes visent à concentrer les acariens sur un seul cadre de la ruche pour ensuite éliminer ce cadre. Elles ne permettent que de limiter le taux d'infestation. De plus, elle peuvent provoquer un affaiblissement de la colonie.

    Cellules à faux-bourdons: Comme les varroas préfèrent pondre dans les cellules de faux-bourdons, il est possible de les piéger en fournissant un cadre avec de telles cellules. Lorsque ces dernières seront operculées, le cadre sera retiré et la cire fondue ou brûlée. C'est une avenue à considérer au début d'une infestation.

    Attractif: Pour attirer les acariens sur un cadre de la ruche en particulier, on peut utiliser un attractif. Un produit commercial fabriqué en Belgique, le Varroutest de la compagnie Sanders Probel Biotechnology, consiste en de l'extrait de larves de faux-bourdons et permet d'attirer les acariens une fois appliqué sur un cadre. Le Varroutest attirerait plus de 75% des mites selon de nombreux tests faits en Belgique, en Italie, en Grèce et dans les pays de l'Est. Ce produit, à vaporiser sur un cadre non-operculé, n'est cependant pas facile d'usage.

    Nouvelle reine: En retirant et en faisant fondre le premier cadre à la reprise de la ponte, on peut enlever une grande partie des varroas présents. Des chercheurs russes (Petrov et Khazbievich, 1980) ont observé que le couvain du premier rayon où une nouvelle reine a pondu est infesté de varroa à 46% tandis que les autres ne le sont qu'à 4%. En retirant ce rayon, ils ont pu réduire grandement la population de parasites, la colonie s'est par la suite bien développée et a pu hiverner de façon satisfaisante.

    Introduction de jeunes larves: Un apiculteur alsacien, André-Claude Schwartz, arrive à maintenir un niveau d'infestation peu élevé en introduisant des jeunes larves d'abeilles dans ses colonies au moment où elle n'en a pas. Les parasites se précipitent sur ces larves pour y pondre. On retire le cadre aussitôt que les cellules sont operculées. La méthode a plusieurs avantages, notamment elle respecte le cycle reproducteur de l'abeille et permet à la colonie de développer une résistance graduelle au varroa. Plus d'information est disponible en s'adressant à M. Schwartz (10, rue Saint-Guindon, 68000 Colmar, France).

    Reine encagée: Cette méthode consiste à enfermer la reine sur un cadre trois fois de suite à intervalles de 10 jours. Au bout des 30 jours, le cadre est sorti et brûlé. La reine peut être sacrifiée ou non. Environ 60% des varroas serait éliminé de cette façon.

    Thermothérapie

    Plusieurs expériences ont été menées sur l'utilisation de la chaleur contre le varroa et l'acarien de l'abeille qui vit dans la trachée, certaines avec un certain succès, d'autres pas. Les acariens sont très sensibles à la chaleur. Avec la thermothérapie, il s'agit donc de trouver la température et la durée de traitement qui vont permettre de réduire le nombre d'acarien sans tuer les abeilles. Ainsi, dans une expérience réalisée par un apiculteur français (Chaudière, 1988), après avoir retiré la reine, on a élevé la température interne de la ruche jusqu'à 60C par l'énergie solaire et on l'y a maintenue pendant 13 minutes. Le taux de destruction du varroa fut de 50 %, mais un nombre équivalent d'abeilles ont succombé.

    En ex-URSS, une technique de lutte contre le varroa consiste à passer les colonies dans une chambre chauffée à 46-48C pendant 15 minutes. La méthode est coûteuse et brutale pour les abeilles.

    Une approche plus douce a été expérimentée avec succès par une apicultrice grecque, Annelies Schönebeck-Syeh, citée par Stalleger (1988). Elle utilise uniquement la chaleur dégagée par la ruche en bouchant toutes les entrées. La température est élevée à 44C et maintenue pendant pas plus de 20 à 30 minutes, après quoi les abeilles peuvent sortir. Les avantages de cette technique sont qu'elle peut être utilisée pendant la miellée et que la reine peut rester dans la ruche. La température est évaluée en placant un thermomètre à l'intérieur de la ruche raccordé à un écran à affichage digital à l'extérieur de la ruche.

    Des expériences réalisées en Louisianne par John Harbo du Département américain de l'agriculture (USDA, 1993) ont démontré qu'une température de 39C pendant 48 heures décimait les acariens de l'abeille. Pour augmenter la température dans les ruches, le chercheur les a simplement peintes d'une couleur foncée plutôt qu'en blanc. Dans une ruche foncée, les abeilles passent plus de temps à faire battre leur ailes pour diminuer la température de l'air, ce qui fait qu'elles s'échauffent elles-mêmes. Comme les acariens de la trachée sont très sensibles à cet accroissement de température, ils en meurent. Quel serait l'effet de cette mesure sur les varroas?

    Notons enfin que, sans être appuyé sur des données scientifiques, beaucoup de praticiens croient que l'exposition d'une ruche au soleil a des effets bénéfiques sur sa santé.

    Produits anti-adhésifs

    Comme l'acarien dépend de l'abeille pour se déplacer dans la ruche et d'une ruche à l'autre, apiculteurs et chercheurs ont pensé à utiliser des produits qui empêche l'acarien d'adhérer au corps de l'abeille, et donc de se propager.

    Farine: Des apiculteurs de l'Inde (Shah et Shah, 1988) ont trouvé un truc simple et apparemment très efficace pour contrôler le varroa. Ils saupoudrent les abeilles de 10 à 15 grammes de farine de blé dès l'apparition du varroa et répètent ce traitement trois fois à une semaine d'intervalle. La farine empêche simplement les acariens de s'accrocher à l'abeille et donc de voyager d'un rayon à l'autre. Cette méthode ne pose de problème ni aux abeilles, ni au miel.

    Corps gras: Selon le même principe, Sammataro et al. (1994) de l'USDA conseillent de placer une galette faite d'un mélange de 150g de shortening végétal et 300g de sucre en poudre sur les barres du haut de la ruche où se trouve un couvain. Les abeilles pensent qu'il s'agit de déchets et petit à petit vont l'évacuer de la ruche. Pendant ce temps, le shortening empêche les acariens de s'accrocher aux abeilles. Cette méthode aurait plus d'effet sur l'acarien de l'abeille que le varroa cependant. Un antibiotique contre la loque américaine peut aussi être disposé avec ce mélange.

    Électricité

    Dans la province du Ryazan en ex-URSS, un chercheur a mis au point une méthode de lutte efficace à 100% contre les varroas accrochés aux abeilles et qui utilise l'électricité (Egin, 1988). Il s'agit d'une plaque percée de trous tout juste assez grands pour laisser passer les abeilles et qui est placée à l'entrée de la ruche. Le bord de chaque trou est frangé de façon à créer une espèce de brosse. La plaque est trempée dans un électrolyte. Lorsqu'un courant de 12 volts passe par la plaque, les varroas qui sont attachés aux abeilles sont paralysés et tombent tandis que les abeilles ne sont pas affectées. Ce produit n'est pas disponible commercialement à notre connaissance.

    Moyens de lutte biologiques

    Il se fait peu de recherches sur le contrôle biologique du varroa. L'utilisation de toxines de Bt et de virus a été envisagé mais aucune application pratique n'est prévue à court terme.

    Le développement de races d'abeilles résistantes au varroa est un autre secteur de recherche qui risque de donner des résultats à long terme seulement.

    Autres moyens de lutte

    Acide formique

    L'acide formique est un acide organique que l'on retrouve à l'état naturel dans plusieurs plantes, surtout au niveau des fruits. Il est donc normal qu'on le retrouve dans le miel en faible concentration, typiquement environ 100 mg/kg de miel et même plus pour certains miels comme celui de sapin qui en contient 200 mg/kg. Son usage pour combattre la varroase requiert cependant une concentration plus forte et agit à l'état gazeux. Lorsque l'air est saturé d'acide formique, celui-ci se condense sur les alvéoles qui y sont perméables. Les acariens meurent au contact de l'acide qui n'importune pas les abeilles.

    Avantages: Le grand avantage de l'acide formique est son efficacité tant sur les adultes que sur le couvain en raison de son mode d'action. Cette efficacité est d'environ 90%, ce qui est supérieur à l'efficacité des acaricides de synthèse considérant que l'acide formique agit également sur le couvain et non seulement sur les adultes. D'autres avantages de l'acide formique sont son faible coût (disponible dans les pharmacies, les centres d'intrants agricoles, etc.) et le fait que les acariens n'y développent pas de résistance. En Europe, l'acide formique est utilisée avec succès dans de grosses entreprises apicoles comme celle d'Alois Wallner en Autriche, qui possède 700 colonies (il a écrit un livre sur le sujet).

    Désavantages: Un désavantage de l'acide formique est qu'il s'agit tout de même d'une substance à manipuler avec soin, bien que ses effets sur l'humain soit bien connus. Un autre désavantage est que l'on peut perdre 5% des reines lors du traitement, ou même plus si les conditions ne sont pas idéales.

    Application: L'acide formique est disponible en solution à 65%. On en utilise 15 à 20 ml pour chaque hausse de couvain qu'on imbibe dans un papier poreux (essuie-tout) qui est placé à la base de la ruche. Les papiers sont préparés une journée avant l'application pour éviter une évaporation initiale trop rapide. Ils doivent être conservés dans un sac hermétique avant d'être placés dans les ruches, le matin ou le soir. De trois à six traitements faits à 1 à 4 jours d'intervalle peuvent être nécessaires selon le nombre de varroa tombés à la base de la ruche.

    Idéalement, les traitements doivent être faits lorsque la température se situe entre 20 et 30C. Le produit devient dangereux pour les abeilles si la température est supérieure à 30C et s'avère nettement moins efficace en-deça de 12C. On doit laisser toutes les entrées totalement ouvertes et traiter après la récolte principale ou la dernière récolte. En général, lorsque moins de 10 acariens sont retrouvés, on peut cesser le traitement. En Autriche, il est recommandé de traiter les colonies très atteintes 3 à 4 fois à intervalles de 24 heures, les colonies peu atteintes 2 fois à 1 ou 2 semaines d'intervalle, et les colonies réinfestées 1 à 2 fois par mois en septembre ou octobre.

    Réglementation: L'utilisation de l'acide formique contre la varroase est autorisée au Canada et approuvée par les cahiers de charge d'agriculture biologique. Elle est régie par la Réglementation sur les produits antiparasitaires d'Environnement Canada qui stipule notamment que l'utilisation doit cesser deux semaines avant le début de la miellée. Pour plus de renseignements sur l'utilisation de l'acide formique contre le varroa, s'adresser à:

    Service d'information
    Direction de l'industrie des produits végétaux

    Agriculture et Agro-alimentaire Canada

    59, Promenade Camelot, Nepean, Ontario, K1A 0Y9

    tél.: 1-800-267-6315

    Sécurité: Comme c'est un produit assez fort, quelques règles de sécurité gagneraient à être respectées: toujours travailler à l'extérieur; ne pas inhaler le produit; porter des vêtements de sécurité (lunettes, gants de caoutchouc); être à proximité d'une source d'eau pour rincer en cas d'accident. Si une forte odeur de vinaigre est perceptible, il faut s'éloigner jusqu'à ce qu'elle se dissipe.

    Autres acides organiques

    L'acide oxalique et l'acide lactique ont aussi fait l'objet d'essais contre le varroa. Des chercheurs allemands ont rapporté une bonne efficacité de l'acide lactique à 10-15%, mais, selon les apiculteurs l'ayant utilisé,cet acide serait moins efficace que l'acide formique.

    Roténone

    La roténone est un insecticide végétal toléré par les cahiers de charge d'agriculture biologique pour la protection des productions végétales. Son utilisation contre le varroa a été développée en France par des apiculteurs biologiques mais n'est pas autorisée pour le moment au Canada (1994).

    Pour être efficace, la roténone doit être appliquée pendant un cycle de vie complet du varroa, soit 30 jours. Il faut l'utiliser avec grande prudence car elle peut tuer les reines. En France, une formulation liquide de roténone à 6,6% est utilisée en apiculture. Péguin (1990) recommande la méthode suivante: on prépare deux lanières de jute de 4 par 20 cm que l'on trempe dans une solution de roténone (6.6%) pendant une journée. Les lanières sont égouttées quelques heures avant d'être placées dans la ruche entre les 3e et 4e et les 7e et 8e cadres. Il est important de ne pas mettre la roténone sur le plancher car la roténone perd de son efficacité au contact de la lumière. Les traitements sont faits au printemps, quand la température minimum est supérieure à 5C et à l'automne (Courbon, 1991). On recommence le traitement à intervalle de quelques jours jusqu'à ce que le nombre de varroas morts soit moins de 20 à la base de la ruche. Il vaut mieux ne pas traiter à la roténone les ruches qui ont peu ou pas de couvain car les abeilles s'enfuiraient à cause de l'odeur.

    Aromathéraphie

    Les huiles essentielles sont des concentrés de principes actifs de plantes obtenues par distillation. Il s'agit de produits naturels mais pas nécessairement doux.

    Les cristaux de menthol utilisées contre l'acarien de l'abeille n'agissent pas efficacement contre le varroa. Péguin (1987) suggère plutôt le traitement suivant à base d'huiles essentielles: un mélange d'huile de thym, de sariette, de lavandin et de cade additionnée de sauge, de menthe et de girofle. Douze gouttes sont déposées sur une plaque graissée à la base de la ruche lorsque la température est supérieure à 10C, ce qui permet l'évaporation des huiles. Le traitement est renouvelé aux 3 à 5 jours jusqu'à ce que l'on ne retrouve pas plus de 10 varroas morts. Ce traitement doit cesser avant la miellée car les huiles pourraient parfumer le miel.

    Un produit européen en pastilles du nom d'Apilife/VAR+, également à base d'huiles essentielles, donne de très bons résultats selon une recherche scientifique suisses (Rickli et al. 1991). La composition de ces pastilles consiste en du thymol (74,1%), de l'eucalyptol (16%), du menthol (3,7%), du camphre (3,7%) et de la vermiculite comme matériel de support (2,5%). Les pastilles sont placées au-dessus des cadres. Deux traitements, l'un où les pastilles ont été laissées pendant 24 jours, l'autre pendant 65 jours, ont donnés des résultats respectifs de 96.5% et 99% d'efficacité, un degré d'efficacité comparable aux pyréthroides synthétiques.

    Le traitement aux huiles essentielles peut aussi être fait au moyen d'un micro-diffuseur qui chauffe les huiles à 40C avant de les disperser dans la ruche.

    Répulsifs

    Des apiculteurs biologiques allemands considèrent que la présence à proximité des ruches de certaines plantes à forte odeur explique que leurs ruches soient exemptes de varroa. Les plantes en question serait l'ail des ours (nom latin??) et la fougère-mâle (Dryopteris filix-mas), cette dernière étant reconnue pour ses propriétés acarifuges.

    Des fumigations de mélisse et de menthe ont aussi produits de bons résultats en Allemagne (Rademacher, 1983).

    Sulfate de cuivre

    Une méthode de traitement à base de cuivre a été développée suite aux travaux de recherches de Michel Bounias de l'INRA en France et du Dr. Popeskovic de Belgrade. Le cuivre est un élément essentiel au métabolisme respiratoire du varroa. En donnant une solution contenant 1/2 g de cuivre (sous forme de sulfate) aux abeilles, celles-ci développent un genre d'anticorps car le cuivre devient en excès dans leur organisme. Cet anticorps est fatal au varroa qui ne peut plus utiliser le cuivre. La concentration en cuivre n'augmente pas dans le miel, mais les résultats démontrent que ce traitement ne peut pas contrôler à lui seul la varroase.

    Homéopathie

    Un traitement appelé le D8 proposé par Mathias Thun (Thun, 1988) a été utilisé pendant quelques temps sans grand succès par les biodynamistes européens. Il s'agissait d'une dilution homéopathique de cendres de varroas brûlés.

    Conclusion

    La lutte contre le varroa doit commencer par un dépistage régulier tant pour détecter la présence du varroa que pour évaluer son importance une fois l'infestation commencée. Comme mesures préventives, il faut limiter la transhumance ainsi que l'acquisition et la vente d'essaims. A court terme, le traitement à l'acide formique est la meilleure solution pour l'apiculteur biologique au prise avec le varroa car il s'agit d'un produit accepté par les cahiers de charge et autorisé par le gouvernement. Le piégeage (prélèvement du premier cadre operculé, introduction de larves-pièges, etc.) pourra servir comme première ligne de défense dans le cas d'une infestation peu sévère. A long terme, la seule solution sera le développement d'abeilles résistantes au varroa. Comme sa cousine l'abeille asiatique, notre abeille occidentale devra apprendre à cohabiter avec le varroa.

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