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AGRO-BIO - 340 - 02

LA CULTURE BIOLOGIQUE DE L'ÉPEAUTRE

Table des matières

_________________________

par Jean Duval, agr., M.Sc.
septembre 1992

LA CULTURE BIOLOGIQUE DE L'ÉPEAUTRE

Différences entre le blé et l'épeautre

Différences taxonomiques

On compte plus d'une quinzaine d'espèces de céréales proches parentes du blé commun (Triticum aestivum), comme on peut le constater au tableau 1. Certaines de ces autres espèces de blés sont dites "vêtues", comme l'orge et l'avoine, parce que le grain reste couvert de sa balle à la récolte.

Les blés vêtus sont appelés communément épeautre, le terme englobant trois espèces soit le petit épeautre ou engrain (Triticum monococcum), l'épeautre de Tartarie ou amidonnier (T. dicoccum) et le grand épeautre (T. spelta). La présente synthèse a pour but de décrire la culture de ces différents épeautres.

Avantages de l'épautre

La culture des différentes espèces d'épeautre a survécu à certains endroits de la planète en dépit de l'apparition de variétés de blés à haut rendement, résistantes à la verse ou à certaines maladies. Cela s'explique par le fait qu'il s'agit d'espèces parfois mieux adaptées ou encore parce que des fermiers ont eu le souci de préserver ces cultures traditionnelles.

Aujourd'hui, il existe toutefois d'autres raisons pour reconsidérer la culture des épeautres. Du point de vue de l'alimentation humaine, les épeautres sont moins allergènes que le blé commun. Ainsi, les personnes allergiques au blé ordinaire peuvent habituellement tolérer les épeautres. Du point de vue de la phytogénétique, les différentes espèces d'épeautre sont sources de gènes de résistance à certaines maladies (McVey, 1990). Enfin dans d'autres cas, les épeautres seront mieux adaptés aux conditions de sols et de climat d'une région et seront donc des valeurs plus sures que des variétés de blés créées pour croître dans des conditions idéales.

En agriculture biologique, les épeautres sont intéressants parce qu'ils se contentent de peu de fertilisation. La présence de la balle qui recouvre le grain permet aussi aux épeautres de mieux résister aux champignons lors de la germination en sols humides (Riesen et al., 1986).

GRAND ÉPEAUTRE (TRITICUM SPELTA)

C'est l'espèce dont il est question le plus souvent quand on utilise le terme épeautre tout court. C'est un hexaploïde comme le blé, ce qui veut dire que l'espèce a été développé par l'homme et n'existe pas à l'état sauvage. Cette espèce a eu considérablement d'importance jusqu'au premier quart de ce siècle. Avant la première grande guerre, il était cultivé sur 280 000 hectares en Allemagne. Récemment aux États-unis, il a été semé en remplacement du blé là où il y avait un "quota" à la superficie en blé commun. Plusieurs fermiers américains, descendants d'immigrants allemands particulièrement, ont continué de cultiver le grand épeautre par tradition et comme grain de provende surtout.

Conditions propices

Le grand épeautre est très bien adapté aux sols froids et humides, mal drainés et aux régions humides. Comme sa valeur nutritive est comparable à celle de l'avoine, le grand épeautre est semé en automne comme substitut à l'avoine de printemps dans le cas de terres humides où on ne peut préparer le sol assez tôt au printemps pour l'avoine. Le grand épeautre est également semé en remplacement du blé d'automne et survit mieux à l'hiver que ce dernier (quoique moins bien que le seigle ou le triticale) en plus d'être moins exigeant en azote. En Allemagne, dans les zones polluées ou menacées de pollution par les nitrates, les fermiers recoivent présentement des subventions pour cultiver le grand épeautre en remplacement du blé d'automne car l'épeautre se développe plus vite que le blé et récupère ainsi plus de nitrates. Des recherches ont indiqué que le grand épeautre ne convient pas du tout aux terres noires.

La maturité du grand épeautre est plus tardive que les blés d'automne les plus tardifs.

Description

L'épi est allongé et le grain décortiqué est comparable au blé mou d'hiver. La paille du grand épeautre est très longue et vide. Elle est plus longue et plus fine que celle des plus grands blés mais est pourtant réputée plus résistante à la verse que la paille de ces derniers. Les feuilles du grand épeautre sont lisses.

Rendements

Considérant que le grand épeautre n'a pas bénéficié de tous les travaux d'amélioration génétique qu'ont reçu le blé, l'avoine et l'orge, les rendements potentiels sont intéressants. En sols humides et mal drainés, les rendements seront supérieurs avec le grand épeautre qu'avec du blé ou de l'avoine. En général, une fois décortiqué, les rendements sont moindres que le blé, soit de l'ordre de 3 400 kg/ha.

La balle compte pour 20 à 30% de la récolte, 25% en moyenne. La densité au boisseau du grand épeautre est donc de 14 à 18 kg plutôt que de 27 comme dans le cas du blé. Le rendement en paille est de l'ordre de 250 à 300 ballots l'hectare (COG, 1992).

Régie

Le grand épeautre est bien en tête de rotation, suivant une prairie. Il pourra également suivre du soya ou une autre céréale. On prépare le sol pour le grand épeautre en toute fin d'été comme on le ferait pour le blé d'automne. Suivant une prairie, il sera indiqué de réaliser une courte jachère avant de semer pour affaiblir le chiendent si ce dernier est présent.

Le grand épeautre est semé à raison de 180-200 kg/ha (2 boisseau/acre) au semoir ou 225 kg/ha à la volée. Comme le taux de semis est très élevé, plusieurs producteurs font deux passages de semoir sur la même bande plutôt que d'essayer d'obtenir la densité désirée en un seul passage. Le semis se fait de 3 à 7 cm de profondeur et en sol humide de ph 6 à 7.5 préférablement. Dans ces conditions, la germination devrait être très rapide. Il est important de ne pas semer le grand épeautre trop tôt car il résistera moins bien à l'hiver. L'idéal sera la même période que pour les semis de blé d'automne d'une région donnée. Il est préférable de cribler la semence.

Au printemps, il est recommandé de passer la herse à dent pour encourager la tallage, surtout si l'hiver a été rude et que le couvert végétal est clairsemé. Le grand épeautre supporte très bien le sarclage mécanique. Les mauvaises herbes sont rarement un problème dans une culture d'hiver comme le grand épeautre.

Il est aussi possible d'implanter du trèfle à la volée dès que possible au printemps à raison de 11 kg/ha.

La récolte se fait environ en même temps que pour le blé d'hiver lorsque la paille est jaune et que le grain casse lorsque brisé. Si le grand épeautre n'est pas andainé mais récolté à la moissoneuse-batteuse, il est important d'ouvrir les cylindres au maximum et d'ajuster leur vitesse au minimum pour éviter d'ôter la balle. Le décortiquage se fait en une autre opération.

Variétés

Certaines variétés anciennes (ex.: Alstroum) bien que d'automne pouvaient être semées au printemps et quand même parvenir à maturité. Il fallait cependant les semer très tôt. Il existe également des variétés de printemps véritables.

La variété OberKulmer est la plus courante de nos jours en Ontario.

Plusieurs variétés anciennes sont susceptibles au charbon. Il est possible de purifier la semence contre cette maladie en la traitant à l'eau chaude.

L'OARDC (Ohio Agricultural Research and Development Center) s'affaire depuis le milieu des années 80 à développer des variétés de grand épeautre à paille plus courte, qui maturent plus vite. En croisant une variété locale avec une variété européenne, Lafever (1988) a développé le cultivar Champ qui est résistant à la verse, à la rouille du blé et au charbon.

Le grand épeautre redevient populaire en Europe et des variétés sont développées en Allemagne, en Belgique, en Suisse et en Italie.

La section "Sources de semences" en fin de synthèse donne l'adresse d'endroits où l'on peut trouver de la semence de grand épeautre.

Utilisations

Le grain du grand épeautre contient de 12 à 16% de protéine en plus d'être riche en magnésium. En production animale, le grand épeautre non-décortiqué doit être roulé avant d'être nourri aux animaux car sa balle est piquante. Il semble que ce grain convienne particulièrement bien à l'alimentation des volailles en satisfaisant leur appétit plus rapidement (Wilbur, 1977).

En alimentation humaine, le grand épeautre est panifiable et semble apprécié pour son bon goût. En Europe, on le considère comme un grain de gourmet utilisé en pâtisserie. Concassé ou entier, on peut le cuire comme du riz.

L'ÉPEAUTRE DE TARTARIE OU AMIDONNIER (TRITICUM DICOCCUM)

L'amidonnier a été cultivé sur de grandes superficies de 1875 à 1925 aux États-unis. Ce type de blé a été introduit par les immigrants germano-russes qui se sont installés dans les prairies américaines.

Conditions propices

L'amidonnier, comme le blé durum ou le blé roux, est un blé adapté plutôt à un climat semi-aride comme celui des prairies de l'ouest canadien et américain. Sa principale qualité est donc la résistance à la sécheresse. Il est utilisé en remplacement de l'avoine pour l'alimentation animale.

Description

L'amidonnier a une tige pleine et des feuilles pubescentes. Son épi est serré et large.

Rendements

Le rendement moyen dans des essais réalisés sur 12 ans à Ottawa (Sauders, 1913) était de 2 250 kg/ha pour la variété Vernal.

Régie

L'amidonnier est semé à raison de 130 l/ha et à une profondeur de 3 à 7 cm.

Variétés

Les variétés d'hiver ne sont pas recommandées sous nos latitudes car elles ne résistent pas à l'hiver. Les variétés de printemps doivent être semées le plus tôt possible, début mai idéalement.

PETIT ÉPEAUTRE OU ENGRAIN (TRITICUM MONOCOCCUM)

Conditions propices

L'engrain est un blé bien adapté aux sols chauds et secs, pauvres, pierreux et sableux des zones montagneuses d'Europe de l'ouest. C'est une espèce à très longue saison végétative, requérant jusqu'à 12 mois pour parvenir à maturité. Ce dernier fait, ainsi que de faibles rendements habituellement, semblent les principaux freins à sa culture.

Description

Les plants ont une paille courte, un épi court et des grains petits. Une fois décortiquée, on ne distingue pas la suture sur le grain nu sauf après cuisson.

Rendements

La proportion de balle dans le grain est de 27% ou plus. Aubert (1989) considère même qu'on peut compter la moitié du rendement une fois décortiqué. Les rendements escomptés sont très variables allant de 560 à 3600 kg/ha (KUSA, 1989).

Régie

L'engrain est semé à raison de 80 kg/ha en septembre d'une année pour se récolter en fin-août ou début-septembre de l'année suivante. L'andainage avant pleine maturité est presque obligatoire car la tige de l'engrain est délicate et verse facilement. La rotation traditionnelle en Haute-Provence est: lavande, sarrasin, sainfoin, sainfoin et engrain. L'engrain réagit aux carences en azote en développant beaucoup de racines (Dubrovin et al., 1982).

Variétés

Il existe des variétés à une et deux rangées. Dans des expériences réalisées à Ottawa au début du siècle, le petit épeautre à une rangée a donné des rendements variant de 1550 à 3440 kg/ha (expériences sur trois années) alors qu'une variété à deux rangées a donné des rendements variant de 1110 à 2855 kg/ha (en moyenne 2300 kg/ha sur huit années).

Utilisation

L'engrain est réputé pour être très savoureux. Il se cuit comme le riz et devient alors tendre. Ses qualités de panification ne sont pas très bonne en comparaison des autres blés (Le Clerc et al., 1918).

Sources de semences

KUSA Society

P.O.Box 761

Ojai, CA

93023

USA

Semences d'engrain, de grand épeautre de printemps et d'autres semences de céréales de plusieurs provenances. On doit être membre pour placer une commande.

ONTARBIO Organic farmers co-op inc.

RR1

Durham, Ontario

N0G 1R0

tél: (519) 369-5316

fax: (519) 369-3210

Sources européennes (pour fins de recherche)

Semence de grand épeautre, variété OberKulmer

Station d'amélioration des plantes

4 rue du Bordia

B-5800 Gembloux

Belgique

Semence de grand épeautre, variétés Hercule et Rouquin

Eidgenossische Forschungsanstalt fur LandwirtschaftLichen Pflanzenbau Zurich

Reckenholz, 8046

Zurich, Suisse

Semence de grand épeautre, variétés Altgold, OberKulmer et Ostro

Suddeutsche Saatzucht-und Saatbaugenossenschaft eG

Postfach 11 28

6935 Waldbrunn 2

Allemagne

Semence de grand épeautre, variétés Baulander et Schwabenkorn

Bibliographie

Aubert, C. 1989. Renaissance d'une céréale: l'épeautre. Les Quatre Saisons du jardinage, n 59, novembre/décembre 1989:64-69.

Bond, A. 1989. Discovering einkorn in Haute Provence, France. The Cerealist, n1:1,6-7.

Kramer, D., A. Macey, E. White, R. Cope et J. Coulsen. 1992. Organic field crop handbook.Canadian Organic growers. Ottawa. 192 pages.

Lafever, H.N. et L.G. Campbell. 1977. Spelt, a new look at an old crop. Crops and soils, août-septembre 1977:15-16.

Lafever, H.N. 1988. Registration of 'Champ' spelt. Crop Science, 28:377-378.

Le Clerc, J.A., L.H. Bailey et H.L. Wessling. 1918. Milling and Baking tests of einkorn, emmer, spelt and polish wheat. Journal of the American Society of Agronomy, 10:215-217.

Martin, J.H. et C.E. Leighty. 1924. Experiments with emmer, spelt and einkorn. United States Department of Agriculture Department Bulletin No. 1197. 60 pages.

McVey, D.V. 1990. Reaction of 578 spring spelt wheat accessions to 35 races of wheat stem rust. Crop Science, 30:1001-1005.

Organisation de coopération et de développement économiques. 1990. Liste des cultivars admis à la certification. Direction de l'alimentation, de l'agriculture et des pêcheries, OCDE. Paris.

Peterson, R.F. 1965. Wheat:botany, cultivation and utilization. Interscience Publishers. New York.

Riesen, Th., H. Winzeler, A. Ruegger et P.M. Fried. 1986. The effect of glumes on fungal infection of germinating seed of spelt (Triticum spelta) in comparison to wheat (Triticum aestivum). Journal of Phytopathology, 115:318-324.

MISE-EN-GARDE

Ce document a pour but de faire la synthèse de l'information scientifique et populaire disponible sur le sujet traité, dans une perspective d'agriculture biologique. Il ne s'agit donc pas de recommandations ou d'un guide de production.

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