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AGRO-BIO - 310 - 03

L'ÉLIMINATION DES PHYTOPATHOGÈNES PAR LE COMPOSTAGE

Table des matières

__________________________________

Par Jean Duval, agr., M.Sc.
21 janvier 1992

L'un des impacts les plus importants du compostage est l'assainissement, la "pasteurisation" des matériaux organiques. Pour obtenir des résultats valables, il faut toutefois que le compostage soit bien fait. C'est seulement dans le cas de quelques rares pathogènes que l'inactivation n'aura pas lieu même si le compostage est bien fait.

Si la destruction des pathogènes humains par le compostage est très bien documentée (Burge et al., 1981), la destruction des pathogènes végétaux l'est beaucoup moins. La synthèse suivante fait le point sur le sujet en prenant comme acquis que le lecteur est familier avec le compostage.

Survie des pathogènes

Les organismes affectés par le compostage comprennent aussi bien des champignons, des bactéries et des virus que des nématodes.

Les champignons, qui causent bien des dommages en horticulture, sont très vulnérables au compostage. Même les organismes qui forment des sclérotes et qui sont très persistents dans le sol sont détruits (ex: Sclerotium cepivorum, Stromatina gladioli, Verticillium dahliae). Les bactéries sont, comme les champignons, facilement détruites par le compostage.

Des expériences ont démontré l'élimination des nématodes nuisibles aux plantes avec des expositions d'une heure à 50C ou de 4 heures à 44C. En fait, les nématodes, peu importe leur forme, sont détruits à des températures aussi basses que 32-34C. On n'a donc pas à s'inquiéter de la survie des nématodes lorsque le compostage est bien fait.

Les virus semblent plus résistants au compostage bien que les données expérimentales soient rares. Par exemple, le cas de la mosaïque du tabac (TMV) est mitigé. Dans une expérience, il a perdu beaucoup de vigueur mais n'a pas été inactivé complétement après six semaines à 50-70C (Hoitink et al.,1982). Dans une autre étude, on ne l'a pas retrouvé dans du compost fait de résidus infectés (Grushevoi et Levykh, 1940). Cependant, comme ce sont les nématodes qui transmettent ce virus et que ceux-ci ne survivent pas au compostage , le risque de transmission est considérablement réduit par le compostage de plantes qui ont cette maladie virale.

Le tableau suivant présente une revue des données disponibles sur la survie des phytopathogènes au compostage.

Tableau 1 - Températures auxquelles les organismes phytopathogènes sont détruits par le compostage

Pathogène Plante-hôte  Maladie T (ºC)*
Champignons 
Armillaria mellea   Pourridié-agric 50
Botrytis allii Oignons Pourriture du col 47-73
Botrytis cinerea Géranium Moisissure grise 40-60
Didymella lycopersici Tomate Pourriture de la tige 39
Fusarium oxysporum Aster chinois Flétrissure fusarienne 47-73
Phomopsis sclerotioidies Concombres Pourriture noire des racines 47-73
Phytophtora cinnamomi Rhododendron Mildiou 40-60
Phytophtora cryptogea Aster chinois Mildiou 47-74
Phytophtora infestans Pomme de terre Mildiou 44-65
Plasmodiophora brassicae Chou chinois Hernie 47-73
Pythium irregulare Rhododendron Pourridié pythien 40-60
Rhizoctonia solani Pomme de terre Rhizoctonie 40-73
Rhizoctonia spp. Tabac Rhizoctonie 49-63
Sclerotinia sclerotiorum Laitue Affaissement sclérotique 47-73
Sclerotium cepivorum Oignon Pourriture blanche 47-73
Sclerotium rolfsii   Pourriture 50
Stromatinia gladioli Glaieule Pourriture sclérotique 47-73
Thielaviopsis basicola Tabac Pourridié noir 49-63
Verticillium dahliae Houblon Flétrissure verticilienne 50-70
Bactéries 
Erwinia chrysanthemi Chrysanthème Brûlure bactérienne

40-60

Nématodes
Globodera rostochiensis Pomme de terre  

32-34

Meloidogyne incognita Piment rouge, concombre  

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* Il s'agit des températures maximums atteintes dans le compost aux endroits d'échantillonage et auxquelles aucun pathogène n'a survécu.

Mécanismes d'élimination

L'élimination des pathogènes est le fait d'un ou plusieurs des facteurs suivants:

1. La chaleur atteinte durant la phase thermophile;

2. Les antagonismes microbiens;

3. La toxicité de certains composés formés durant la décomposition des matériaux organiques;

Chaleur

Dans le sol, la plupart des pathogènes végétaux sont éliminés par un traitement de seulement 30 minutes à 55C (Bollen, 1969). La dose temps-température nécessaire varie avec la densité de population du pathogène et peut donc être moindre en certains cas.

Seulement certains organismes demandent de plus hautes températures ou de plus longues durées d'exposition à la chaleur et, dans ces rares cas, l'élimination complète par le compostage n'a pas toujours été prouvé. Il s'agit des organismes suivants:

  • - Les différentes races de Fusarium oxysporum, la fusariose qui attaque les tomates en serre et qui aime les sols chauds. Pour sa destruction, la température dans le compost doit se maintenir à au moins 60C pendant 30 minutes.
  • - Plasmodiophora brassicae, l'hernie du chou, qui exige de 72 à 96 heures à 54C.
  • - Olpidium brassicae, une autre maladie du chou, qui est en plus un vecteur viral.
  • - Pyrenochaeta lycopersici, qui cause les racines liégeuses de la tomate. Dans des recherches néerlandaises citées par Bollen (1984), cet organisme a survécu dans un cas où la température du compost n'a pas dépassée 65C mais a effectivement été détruit dans un autre cas où la température a atteint 73C.
  • Antagonismes et toxicité

    Dans quelques cas, la dose temps-température n'est pas suffisante pour détruire les pathogènes et pourtant ils sont éliminés quand même. Ainsi, pour un même organisme, la température nécessaire à sa destruction va être inférieure dans un tas de compost qu'au laboratoire (Lopez-Real et Foster, 1984). Il s'agit alors ou bien d'antagonismes microbiens, de la toxicité de produits formés durant la décomposition des matériaux ou encore de conditions défavorables qu'on retrouve à certains moments du compostage (pH ou autres). Ces facteurs ajoutent donc au potentiel d'élimination des phytopathogènes par le compostage.

    L'hernie du chou n'est pas sensible aux antagonismes et doit donc absolument être détruite par la chaleur.

    Implications pratiques pour le compostage

    Les expériences sur l'élimination des pathogènes végétaux par le compostage font appel à une méthodologie relativement simple. Des matériaux végétaux infectés sont mis dans des sacs de nylon perforé et placés à différents endroits dans le tas de compost. Des échantillons sont prélevés des sacs à l'intervalle d'observation désiré et la température près des sacs est déterminée à l'aide d'un thermomètre à compost au moment de l'observation. Les échantillons prélevés des sacs font l'objet de culture microbienne en laboratoire.

    Bien que simple, cette méthode n'est pas économiquement accessible aux producteurs. Les milieux de croissance nécessaires aux cultures microbiennes diffèrent d'un microorganisme à l'autre, ce qui demande un temps, du matériel et une expertise considérables. En conséquence, le producteur devra avant tout s'assurer que le tas de compost atteigne des températures suffisamment élevées. Cela ne nécessite que l'achat d'un thermomètre à compost. Dans le cas de matériaux sérieusement infectés par un virus, on aura sans doute intérêt à ne pas utiliser le compost résultant sur une culture susceptible à ce virus.

    Les températures atteintes en surface et périphérie du tas de compost ne sont jamais aussi élevées qu'au coeur du tas. En conséquence, l'inactivation des pathogènes peut être incomplète en ces endroits. On doit donc s'assurer que tous les matériaux iront au coeur du tas lors du retournement ou utiliser le compost de surface lors de la formation d'un nouveau tas.

    Dans un petit tas de jardin, la température atteinte est rarement élevée. Un tas froid pourrait aggraver les problèmes de maladies en servant de milieu de croissance favorable à certains organismes.

    Bibliographie

    Bollen, G.J. 1984. The fate of plant pathogens during composting of crop residues. pp. 282-290 in Gasser, J.K.R. (éditeur). 1984. Composting of agricultural and other wastes. Elsevier applied science publishers, Londres.

    Grushevoi, S.E. et P.M. Levykh.1940. The possibility of obtaining seed-bed soil free from infection in compost heaps. résumé dans Review of applied mycology, 20:87.

    Hoitink, H.A.J. et P.C. Fahy. 1986. Basis for the control of soilborne plant pathogens with composts. Annual Review of Phytopathology, 24:93-114.

    Hoitink, H.A.J., E.B.Nelson et D.T.Gordon. 1982. Composted bark controls soil pathogens of plants. Ohio Report, 67:7-10.

    Woods End Research Laboratory. 1990. Composting potato culls and potato processing wastes. Woods End Research Laboratory, Mt. Vernon, Maine.

    MISE-EN-GARDE

    Ce document a pour but de faire la synthèse de l'information scientifique et populaire disponible sur le sujet traité, dans une perspective d'agriculture biologique. Il ne s'agit donc pas de recommandations ou d'un guide de production.

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