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AGRO-BIO - 360 - 04

LES PLANTES NÉMATICIDES

Table des matières

par Jean Duval, agr., M.Sc.
Janvier 1993

LES PLANTES NÉMATICIDES

Plusieurs plantes possèdant des propriétés nématicides ou nématifuges ont été identifiées depuis le début du siècle. Ces plantes peuvent être cultivées de diverses façons pour protéger des cultures sensibles aux nématodes parasitaires. Bien que la recherche en ce domaine proviennent surtout des régions plus chaudes de la planète où les nématodes peuvent infliger des pertes considérables, l'utilisation des plantes nématicides peut également se pratiquer sous nos climats. Les plantes tropicales ou semi-tropicales par exemple peuvent trouver usage en serriculture.

GÉNÉRALITÉS

Réactions des plantes aux nématodes

Les plantes réagissent de diverses façons à la présence d'une espèce donnée de nématode. Bergé (1971) classe les plantes selon leurs réactions en cinq grands groupes:

  • - Plantes nématicides: qui produisent des substances nématicides;
  • - Plantes immunes: qui ne permettent pas aux nématodes de s'alimenter aux dépens de leurs tissus (plantes non-hôtes);
  • - Plantes résistantes: qui sont peu attaquées et à l'intérieur desquelles le parasite ne peut achever son développement;
  • - Plantes tolérantes: qui ne souffrent pas notablement du parasitisme même si elles permettent la multiplication du nématode;
  • - Plantes sensibles: qui permettent le développement du parasitisme et souffrent du parasitisme.
  • Une plante peut être nématicide envers une ou plusieurs espèces de nématode mais rarement toutes. De plus, certaines espèces dans un genre ou certaines variétés dans une espèce ont des effets nématicides plus prononcés que d'autres. C'est pourquoi il est important de tenir compte de l'espèce de nématode visé et de la plante concernée plutôt que de s'appuyer sur des généralisations qui pourraient s'avérer décevantes dans la pratique.

    La régie des plantes que l'on veut employer est aussi importante (taux de semis, temps de l'année, etc.). Par exemple, Macdonald et Mai (1963) ont remarqué que des plantes couvre-sol de verger qui semblaient des hôtes défavorables au nématode Pratylenchus penetrans devenaient soudain favorables à ce nématode une fois leurs feuilles amputées. Cela veut donc dire qu'à l'exception de quelques plantes fortement nématicides (tagètes, asperges), les traitements subis par la plante utilisée peuvent être tout aussi importants que l'espèce végétale choisie.

    Mécanismes d'action contre les nématodes

    Les plantes peuvent se défendre des nématodes parasitant leurs racines de plusieurs façons.

    Un premier mécanisme se nomme l'hypersensibilité. Dans ce cas, les cellules de la plante se nécrosent plus vite que l'avancée du ravageur qui meurt privé de nourriture. C'est le principe en action chez les variétés résistantes d'une espèce normalement susceptible aux nématodes.

    Une seconde classe de mécanismes consiste en la production de substances inhibitrices aux nématodes. La plante produit des substances inhibitrices soit à l'intérieur ou à l'extérieur des tissus racinaires ou même dans les feuilles et les tiges. Ces substances peuvent inhiber l'éclosion des larves, la pénétration des larves dans les racines, le développement ou la reproduction du nématode ou simplement empoisonner le nématode pour entraîner sa mort.

    Un troisième mécanisme d'action observé est celui de plantes sur lesquelles les nématodes ne peuvent pas former de cystes mais dont les racines exudent une substance stimulant l'éclosion des oeufs. Les nématodes se retrouvent ainsi nombreux mais incapables de se reproduire.

    Un dernier mécanisme d'action ne vient pas des plantes directement mais plutôt de la décomposition de ces dernières. Ainsi, lors de l'incorporation d'un engrais vert ou d'une matière organique, il y a une stimulation de la vie du sol. La décomposition de ces matières résulte en un accroissement des fungi, nématodes, acariens et autres organismes qui agissent comme parasites ou prédateurs des nématodes parasitant les plantes (Johnson, 1959). La décomposition peut aussi engendrer des substances qui agiront contre les nématodes parasitaires.

    Méthodes d'utilisation

    En pratique, on utilise les plantes nématicides de plusieurs façons:

  • - Comme culture intercalaire en même temps qu'une culture susceptible après quoi la plante nématicide est habituellement arrachée;
  • - Comme culture dérobée ou en rotation en tant qu'autre culture;
  • - Comme engrais vert à être enfoui avant une culture susceptible;
  • - Comme amendements de sol en utilisant une ou plusieurs parties de la plante nématicide ou les résidus de la plante;
  • - Comme mulch;
  • - Comme produit de traitement: on extrait les substances nématicides de la plante et on les applique aux racines de la plante susceptible.
  • Le tableau 1 présente des plantes de grandes cultures à faire suivre dans une rotation pour éviter l'accroissement des populations de certains nématodes.

    Tableau 1 - Liste des plantes à préférer dans la rotation en fonction du nématode et de la culture précédente

      Blé Orge Avoine Seigle Maïs P. de terre Colza Lég. four. Gram.four
    Heterodera avenae Colza, luzerne, pomme de terre, betterave          
    H. schachtii                  
    H. rostoschiensis           Céréales, colza, bett.      
    H. cruciferae             Céréales, bett., pdt    
    H. trifolii               toutes cultures  
    Ditylenchus dispaci P.de t., colza, maïs P. de t., bett., colza

    autres céréales

    Pdt,bett,blé

    colza, orge

      Pdt, bett.,

    blé, orge

    Pdt,bett,blé

    colza,orge, avoine

     
    Meloidogyne P.de t., colza, maïs, avoine   Pdt, colza

    maïs,

    avoine

             
    Pratylenchus

    penetrans

    bett., orge, avoine   éviter

    graminées

    bett., orge

    avoine

    bett.,orge

    avoine

    bett., orge,

    avoine

    bett.,orge,

    avoine

     

    Source: Bergé (1971)

    Types de nématodes

    Certains nématodes sont très spécialisés tandis que d'autres s'attaquent à un genre ou une famille de plantes. Les problèmes de nématodes ont tendance à s'accentuer lorsqu'on a affaire à des sols légers et des régions chaudes. Voici les types principaux de nématodes et les plantes qu'ils affectent au Québec.

    Nématodes des kystes

    - Heterodera avenae qui attaque l'avoine, l'orge le blé et le maïs;

    - Heterodera punctata qui attaque le blé et les graminées fourragères;

    - Héterodera schachtii qui attaque les crucifères, les betteraves, les épinards et la rhubarbe;

    - Heterodera trifolii qui attaque le trèfle blanc et les fèves;

    - Heterodera rostochiensis qui attaque la pomme de terre.

    Nématodes des racines noueuses

    Ces nématodes sont oligophages, s'attaquant à plusieurs familles de plantes. Au Québec, on retrouve Méloidogyne incognita, M. hapla et M. arenaria, particulièrement sur la tomate. M. hapla et M. incognita se retrouvent également sur le trèfle rouge et la carotte. M. hapla se retrouvent sur un grand nombre de légumineuses et de cultures maraîchères.

    Nématodes des lésions racinaires

    - Pratylenchus minyus qui attaque les céréales, le maïs, le millet japonais, la luzerne, le trèfle blanc, le tabac et les arbres fruitiers;

    - P. pratensis qui attaque les graminées fourragères, l'avoine, la carotte, la tomate, la pomme de terre, l'épinard, le trèfle rouge, le tabac, les fraisiers et les framboisiers;

    - P. macrophallus qui attaque le céleri;

    - P. penetrans qui attaque le tabac, la tomate, l'aubergine, le trèfle rouge, le maïs. le céleri, les arbres fruitiers, les fraisiers et les framboisiers.

    Nématodes du rabougrissement

    - Tylenchorynchus maximus qui attaque les trèfles, le lin et l'avoine;

    - T. lenorus qui attaque le blé;

    - T. acutus qui attaque les graminées fourragères;

    - T. brevidens qui attaque la luzerne et le trèfle blanc;

    - T. dubius qui attaque le trèfle rouge.

    Autres nématodes des racines

    - Les Criconemoides qui attaquent l'avoine, le blé, le trèfle rouge et la luzerne;

    - Xiphinema americanum qui attaque la luzerne.

    PLANTES NÉMATICIDES

    Composées

    Tagètes (marigold)

    La plus connue des plantes nématicides est sans doute la tagète, aussi appelée oeillet d'Inde. Les propriétés nématicides des tagètes étaient connues des civilisations d'Amérique centrale et du sud depuis longtemps mais ont été "redécouvertes" dans les années '40. La littérature scientifique et populaire abonde sur le sujet.

    Il existe une vingtaine d'espèce différentes de tagètes et un nombre important de variétés dans chaque espèce. D'après les recherches de Winoto Suatmadji (1969) et d'autres chercheurs néerlandais, l'espèce la plus efficace contre les nématodes en général est Tagetes patula et parmi cette espèce certains cultivars sont plus efficaces que d'autres comme le cultivar Harmony et Golden Harmony. Les chercheurs de Rodale (Poinar et Johnson, 1986) suggèrent aussi d'utiliser les oeillets d'Inde français - Tagetes patula - des variétés Tangerine ou Park's nemagold et de les cultiver comme engrais verts. Lawrence Hills du Henry Doubleday Research Association en Angleterre préfère quant à lui Tagetes minuta, une tagète qui peut devenir très grande (jusqu'à 3 mètres!) et donc constitue un engrais vert très intéressant mais surtout qui est mieux adaptée au climat tempéré que les autres tagètes. Good et al. (1965) ont conclu de leurs recherches que Tagetes minuta contrôle M.incognita et M.javanica, mais contrôle peu M.hapla et pas du tout M.arenaria.

    Selon Ijani et Mmbaga (1988), le contrôle des nématodes Meloidogyne de la tomate au moyen de plants de T.minuta intercalés est moins efficace et moins rapide que l'utilisation de nématicides chimiques mais a cependant un effet bénéfique sur la croissance et le rendement en plus d'assurer un contrôle plus durable.

    En culture seule, le taux de semis recommandé pour les tagètes est de 4 kg/ha avec espacement de 25 cm entre les rangs. Un espacement plus grand donne le même résultat mais l'effet suppressif est moins rapide. La plantation en début de saison est la plus efficace mais il y a peu de différences dans l'effet nématicide si les tagètes sont présentes dans le sol 45 ou 75 jours (Winoto Suatmadji, 1969). Les recherches d'Omidvar (1961) ont indiqué que les tagètes n'agissait pas contre le nématode de la pomme de terre (Heterodera rostochiensis) sur une courte période.

    Un désavantage des tagètes est qu'elles sont parfois difficiles à implanter ce qui peut résulter en des problèmes de mauvaises herbes.

    En culture intercalaire, l'espacement traditionel utilisé en Inde est de 2 mètres entre les rangs de tagètes, peu importe la culture principale. Pour la tomate, Ijani et Mmbaga (1988) ont adopté un ratio de deux plants de tagètes pour six plants de tomate avec de très bon résultats en sol fortement infesté.

    Comme amendements de sol, Johnson et Shamiyeh (1975) ont conclu qu'il est important d'apporter des racines de tagètes car ils n'ont pas remarqué d'inhibition avec seulement les feuilles et tiges d'une tagète d'espèce non-mentionnée. Cependant, Siddiqui et Alam (1987), ont obtenu un très bon contrôle de M.incognita avec des résidus de tagètes qui consistait en feuilles, fleurs ou tiges de T.lucida, T. minuta et T.tenuifolia.

    Autres composées

    En Hollande, suite au succès obtenu avec les tagètes, d'autres composées ornementales ont été testées pour leurs propriétés nématicides. Hijink et Winoto Suatmadji (1967) ont identifié parmis 35 composées annuelles ou pérennes celles qui peuvent être utilisées efficacement contre Pratylenchus penetrans. Il s'agit des hybrides d'Helenium, de la Gaillardia hybride "Burgunder" et de Eriophyllum caespitosum. Les Rudbeckia serotina et Rudbeckia bicolor sont efficaces contre Tylenchorhynchus dubius. La rudbeckie semble aussi prometteuse contre les nématodes de lésions racinaires mais s'avère difficile à implanter comme engrais vert et ses plantules sont très fragiles (Brandle et al., 1992). Les cosmos seraient aussi très efficaces selon une recherche Brésilienne citée par Panchaud-Mattei (1990).

    Les chrysanthèmes cultivées simultanément avec les tomates diminuent peu les populations de Meloidogyne (Hackney et Dickerson, 1975). Les Zinnia permettent de réduire les populations de M.incognita et de nématodes réniformes lorsque intercalés avec les tomates (Tiyagi et al., 1986).

    Légumineuses

    Plusieurs légumineuses cultivées en rotation ou en engrais vert font d'excellents nématicides en plus d'apporter de l'azote. Les plus efficaces d'entre elles sont toutefois des légumineuses des régions chaudes.

    La crotalaire (Crotalaria spectabilis) est efficace contre les Meloidogyne et plusieurs autres sortes de nématodes phytophages mais n'agit pas contre Pratylenchus brachyurus (Brodie et al., 1970). C'est une plante toxique pour les bovins et la volaille.

    L'indigotier est moins efficace que la crotalaire en particulier contre Meloidogyne arenaria et hapla mais est plus facile à établir et sert également de plante améliorante. Plusieurs études rapportent l'efficacité de l'indigotier contre un grand nombre de nématodes (Rhoades, 1976; Miller et Ahrens, 1969)

    Reddy et al. (1986), dans une étude comparant diverses légumineuses utilisées comme engrais vert quant à leur effet sur les nématodes ont trouvé que l'ambrevade (pigeonpea - Cajanus cajan), variété Norman, Aeschynomene americana (jointvetch), l'indigotier ainsi que le mucune (velvetbean - Mucuna deeringiana) réduisent les populations de M. incognita. Certaines de ces plantes avaient également un effet contre d'autres nématodes plus particuliers aux régions chaudes.

    La desmodie (Desmodium spp.) est résistante aux nématodes des racines noueuses sauf M. hapla (Good et al., 1965).

    Un amendement de feuilles et tiges de luzerne ou de soya à raison de 1 à 8% par masse de sol inhibe l'éclosion des oeufs de M.incognita (Johnson et Shamiyeh, 1975). Le trèfle rouge ne semble pas très efficace contre les nématodes à galles et favoriserait même leurs développement en début de saison (Winoto Suatmadji, 1969).

    Les extraits des feuilles et des tiges de la fève (Phaseolus vulgaris) sont toxiques au nématode Tylenchorhynchus dubius, permettant d'inactiver 95% d'entre eux en 24 heures. Les extraits racinaires de la même plante ne sont pas efficaces (Miller et al., 1973).

    Il semble qu'un niveau d'azote sous forme d'ammonium de 380 µg/g permette de réduire les populations de Meloidogyne peu importe la source. C'est ce qui pourrait expliquer l'action nématicide de certaines légumineuses selon Johnson et Shamiyeh (1975).

    Graminées

    Avoine

    L'avoine apparaît comme une plante pouvant servir dans certains cas. Elle est plutôt considérée comme une plante très résistante aux nématodes qu'une plante nématicide car un grand nombre d'espèces peuvent l'attaquer dont Heterodera avenae.

    Endo (1959) a démontré que Pratylenchus zeae et P. brachyurus ne peuvent se reproduire près des racines de l'avoine (Avena sativa var. Arlington). La paille d'avoine sèche contient des substances toxiques aux oeufs et larves de M.incognita (Johnson, 1974). Les résidus broyés à 3 mm (1/8") de l'avoine et incorporés à raison de 10 t/ha sont surtout efficaces après 6 à 8 mois d'incubation, à des températures inférieures à 20C et en sol plutôt acide. L'avoine utilisée comme engrais vert avant une replantation de pommier a permis de contrôler Pratylenchus penetrans à raison de 75% de l'efficacité d'une pasteurisation de sol (Merwin et Stiles, 1989). Dans la même expérience, les tagètes ont permi 97% de l'efficacité d'une pateurisation.

    Des études récentes effectuées au Brésil ont démontré l'efficacité d'une autre espèce d'avoine, Avena strigosa, contre M.incognita.

    Seigle

    Le seigle en décomposition immobilise les larves de M. incognita et P. penetrans (Patrick et al., 1965). En sol infesté, de faibles doses de 1350 à 2100 ppm d'extrait de seigle en décomposition étaient nécessaires pour tuer 50% des nématodes parasitaires tout en n'affectant pas les populations de nématodes saprophages, ceux-là utiles. L'activité nématicide du seigle en décomposition provenait de l'acide butyrique et d'autres substances produites lors de la décomposition. Cette activité n'existait toutefois qu'à des pH de 4 à 5.3, degré d'acidité normal dans un milieu de décomposition active.

    Contrairement à l'étude précédente, Miller et Ahrens (1969) ont observé qu'un couvre-sol de seigle pouvait très bien servir de plante-hôte aux nématodes P. penetrans et Tylenchorhynchus claytoni et que seulement les tagètes étaient vraiment efficaces et économiquement justifiables comme couvre-sol précédent des cultures susceptibles comme le tabac et la tomate.

    Dans une expérience sur le contrôle de M. incognita, Minton et Parker (1987) ont observé qu'un engrais vert de seigle travaillé au chisel comme précédent au soya réduisait

    plus les populations du nématode que le même engrais vert enfoui à la charrue. Le seigle ne donnait toutefois pas un contrôle satisfaisant de M. incognita, ce qui nécessitait le recours à des nématicides subséquemment.

    Oostendorp et al. (1991) ont obtenu les plus faibles populations du nématode M. arenaria attaquant l'arachide après une culture de seigle dans une expérience comparant la jachère, le seigle et la vesce pour faire suite à l'arachide.

    Il semble donc que l'effet du seigle sur les nématodes est variable selon les conditions lors de la décomposition des résidus.

    Blé

    Le blé d'hiver cultivé tout de suite après le soja dans le sud-est des États-Unis est plus efficace qu'une jachère pour réduire les populations de P. brachyurus. Son effet nématicide est toutefois très variable selon le site (Koenning et al., 1985).

    Crucifères

    Morgan (1925) et Triffitt (1929) cités par Ellenby (1945) ont obtenu d'excellents résultats dans le contrôle du nématode doré de la pomme de terre (H. rostoschiensis) avec la moutarde blanche. Par la suite, Ellenby (1945) a étudié l'effet de la moutarde noire, de la moutarde blanche, du navet, du colza, du cresson et du choux de Bruxelles cultivés en même temps que la pomme de terre sur les populations du même nématode. Ses travaux démontrent que la moutarde noire, la moutarde blanche et le cresson sont efficaces contre ce nématode mais que seulement la cresson a un effet permanent sur l'émergence des larves du nématode. Lorsque l'huile de moutarde noire est utilisée, la façon la plus efficace de l'appliquer est d'en imprégner de la tourbe à raison de 9 ml d'huile pour 10 plants de pomme de terre (Ellenby, 1951).

    Den Ouden (1956) a obtenu une réduction de 66% des populations de nématodes de la betterave (Heterodera schachtii) par la culture de la julienne (Hesperis matronalis), une crucifère comestible qu'on retrouve souvent à l'état sauvage au Québec le long des routes et des rivières. La julienne présente de nombreux avantages en ce qu'elle est peu exigeante pour le sol, germe rapidement, développe un système racinaire fin et fibreux en plus d'être bisannuelle, ce qui permet d'éviter qu'elle devienne une mauvaise herbe. Sa culture en même temps que la luzerne comme plante fourragère semble la solution la plus pratique.

    Dans le sud-ouest de l'Ontario, une équipe de chercheurs d'Agriculture Canada (Brandle et al., 1992) évalue des engrais vert de colza et de moutarde (Brassica juncea) comme moyen de contrôle des nématodes de lésions racinaires dans la culture de tomates en sol léger. Un composé semblable a un nématicide chimique a été identifié dans le feuillage de la moutarde. Une séquence de deux engrais verts est cultivé pour une saison complète en rotation avec la tomate dans ces expériences. Un des problèmes rencontrés est que la moutarde a tendance à fleurir très tôt lorsqu'il fait chaud au printemps ce qui nécessite de l'enfouir plus tôt que prévu.

    Contre M. hapla et M. chitwoodi, un engrais vert d'automne de colza cultivé pour deux mois et incorporé au sol permet de réduire les populations de ces nématodes significativement (Mojtahedi et al., 1991). Cette pratique est tout indiquée pour une culture de pomme de terre hâtives.

    Townshend et Davidson (1960) ont observé dans leur étude des mauvaises herbes hôtes de P. penetrans dans le sud de l'Ontario que le tabouret des champs (Thlaspi arvense) et les sisymbres (Sisymbrium sp.) sont des hôtes défavorables pour ce nématode qui attaque la tomate, le fraisier et le tabac.

    Solanacées

    Winslow (1955) a obtenu un succès équivalent à une jachère avec la culture de la morelle noire (Solanum nigrum) contre le nématode doré de la pomme de terre Heterodera rostochiensis. Il en conclut néanmoins que la culture d'une telle herbe envahissante est moins souhaitable que celle d'autres plantes nématicides.

    L'ajout de 1% par poids de sol de feuilles de tomates ou de tabac réduit significativement les populations de Tylenchorhynchus dubius en 3 jours selon Miller et al. (1973).

    Autres plantes tempérées

    Les feuilles et tiges de lin contiennent des substances toxiques aux oeufs et larves de M.incognita (Johnson, 1974).

    Un composé contenu dans le jus de l'asperge a des propriétés nématicides (Rohde, 1960). Le jus dilué de ce composé peut être arrosé au pied des plants ou encore mieux pulvérisé sur le feuillage.

    Le liseron des champs (Convolvulus arvensis), la bardane (Arctium minus) et la matricaire odorante (Matricaria matricarioides) sont des hôtes peu favorables à P. penetrans (Townshend et Davidson, 1960).

    Abivardi (1971) a obtenu un contrôle significatif de M. incognita en sol infesté avec des doses de 80 ppm de pourpier gras (Portulaca oleracea) et de l'armoise noire (Artemisia cina). Le thym sauvage (Thymus serpyllum) était plus efficace à une dose de 40 ppm qu'à 80 ppm.

    Poinar et Johnson (1986) mentionnent que les racines de la chicorée sauvage et des renouées sont également nuisibles aux nématodes en général.

    Des espèces n'existant pas ici mais dont on retrouve des représentants du même genre ont aussi des propriétés nématicides vis-à-vis les Meloidogyne. Il s'agit de la cuscute, du souchet et de la lépidie.

    Autres plantes tropicales

    Un grand nombre de plantes tropicales sont efficaces contre les nématodes. Il serait normalement peu intéressant de citer ces plantes pour nos régions, mais comme la serre constitue un milieu semblable au climat plus chaud, certaines plantes pourraient être utilisées dans ces conditions.

    Les feuilles et fleurs de la jacinthe d'eau (Eichhornia crossipes) en amendement au sol sont excellentes pour contrôler les nématodes des racines noueuses et les nématodes réniformes dans les cultures de tomates à raison de 10% par masse de sol (Siddiqui et Alam, 1988). Les extraits sont aussi bons en traitements racinaires.

    Les feuilles fraîches macérées de Chenopodium ambrisiodes à raison de 0.5 g dans 10 ml ont inactivé les nématodes de la tomate en 20 minutes dans une expérience en pot (Espinosa, 1980).

    Les extraits de Calendula officinalis et d'Enhydra fluctuans, des plantes originaires de l'Inde, sont très efficaces contre les populations de M.incognita, réduisant les larves, l'eclosion des oeufs et la formation de galles (Goswami et Vijayalakshmi, 1986).

    Les graines de bito (Belanite aegyptiaca) broyées et bouillies dans l'eau pendant une heure produisent une substance qui s'avère d'une bonne efficacité contre le nématode réniforme Rotylenchus reniformis (Verma et Prasad, 1970).

    La culture du ricin est moins efficace qu'une jachère contre M. javanica (Lear, 1959).

    Conclusion

    Plusieurs espèces de plantes peuvent être utilisées pour lutter contre les nématodes parasitaires même dans nos climats. La plupart de ces plantes ne sont pas efficaces contre tous les types de nématodes. Cependant, il semble qu'en pratique certaines plantes s'avèrent plus facilement et efficacement utilisables que d'autres.

    Ainsi, pour les petites et moyennes superficies (cultures ornementales, maraîchères), les tagètes, gaillardia et rudbeckies semblent dans bien des cas des choix appropriés de cultures nématicides à faire en rotation ou comme engrais vert. Pour les grandes superficies (pomme de terre, céréales), la rotation avec des plantes non-hôtes est sans doute plus réaliste bien qu'un certain nombre de plantes de la famille des crucifères puissent être envisagées comme engrais vert nématicide (colza, moutarde) utiles dans plusieurs cas.

    Comme le démontre cette revue de littérature, les possibilités sont grandes mais il reste encore des expérimentations et mise au point à faire pour en arriver à des recommandations précises dans l'utilisation des plantes nématicides.

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