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AGRO-BIO - 330 - 01

LE CARPOCAPSE DE LA POMME

Table des matières

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Par Jean Duval, agr., M.Sc.
juin 1991, mise-à-jour mars 1994

 

LE CARPOCAPSE DE LA POMME

GÉNÉRALITÉS

Description

Le carpocapse est un papillon de nuit dont la larve s'attaque aux fruits du pommier, du poirier, de l'abricotier et d'autres arbres fruitiers. Ce papillon surtout actif au crépuscule est gris-brun avec des lignes brunes fines à l'avant des ailes et une dentelure prononcée à l'arrière. Les chenilles sont roses avec une tête brune et mesurent environ 2,5 cm.

Cycle de vie

Il n'y a qu'une seule génération au Québec en général quoique dans les zones très chaudes il y a possibilité de deux générations. Les premiers adultes apparaissent à la tombée des pétales après l'accumulation de 300 degrés-jours au-dessus de 5C. En verger commercial, le seuil de tolérance est de 20 adultes pour deux pièges. Les oeufs commencent à se développer lorsque la température est de 11C et les premiers oeufs éclosent lorsque 140 degrés-jours au-dessus de 11C se sont accumulés depuis la première capture d'adultes dans les pièges à phéromones. Les jeunes larves se nourrissent de feuilles mais entrent rapidement dans les fruits. Après environ un mois, les larves sortent des fruits et se laissent tomber au sol ou descendent par le tronc et font leur cocons sous l'écorce décollé du tronc ou dans les débris au sol.

MOYENS DE LUTTE

Piégeage

Pièges physiques

La technique la plus courante en petit verger consiste à enrouler plusieurs épaisseurs de carton ondulé sur le tronc et les grosses branches à au moins 20 cm au-dessus du sol (Yepsen, 1976). Au Québec, ces bandes-pièges sont installées au début de juillet et retirées pour être détruites à la fin-octobre (R.J.A.E.,1991). Les chenilles de carpocapse vont se réfugier sous le piège lorsqu'elles descendent de l'arbre pour faire leurs cocons. Les ondulations du carton doivent avoir au moins 4 mm (3/16") de largeur et doivent faire face au tronc sans quoi les chenilles ne formeront pas de cocons. Les bandes-pièges sont très efficaces sur les arbres isolés. Au lieu de carton ondulé, on peut utiliser de la jute de 15 cm de large et l'enduire de colle Tanglefoot. Dans le cas où il y a deux générations de carpocapse, on peut combiner les deux types de pièges. On détruit les bandes de carton environ un mois après avoir capturé les premières chenilles sur les bandes de jute (Hall-Beyer et Richard, 1989).

Pièges olfactifs

Les appâts olfactifs ont été utilisés surtout pour étudier le carpocapse plutôt que pour le contrôler. Les papillons de nuit en général sont attirés par les solutions de jus de fruits, de sucre ou de sirop en fermentation. La recette la plus simple et la plus courante consiste en une solution de mélasse et d'eau dans une proportion de 1 pour 9 auquelle on ajoute parfois des levures. Les fermentations sucrées constituent avant tout des attractifs alimentaires.

Certaines huiles essentielles peuvent aussi servir d'attractif mais dans ce cas il s'agit surtout de produit stimulant la ponte plutôt que l'appétit. L'huile essentielle résiduelle à la production de goudron de résine de pin (pine-tar-oil) placée dans un contenant près d'un appât à base de mélasse est une façon simple d'augmenter le pouvoir d'attraction de ce dernier. Selon Van Leeuwen (1948), l'appât le plus efficace consiste en une pinte d'appât standard (eau-mélasse-levure), 0,5 ml d'acide valérique, 1 ml de sulfate de nicotine et 1 once d'huile de pin dans une bouteille. L'huile de sassafras semble aussi être très efficace. Afin d'éviter la capture des abeilles, il est conseillé de couvrir les pots d'appâts avec un grillage de 6 mm et de ne les suspendre qu'à la tombée des pétales. D'autres appâts possibles incluent l'huile de lin, le savon, l'ammoniaque et les matériaux protéinés comme le blanc d'oeuf en poudre ou la caséine. La mise au point de pièges à phéromones a mis de côté les autres types de pièges olfactifs. Dans une perspective de réduction des intrants, l'utilisation de pièges maisons pourrait toutefois être intéressante.

 

Piège solide à base de sassafras (Yepsen, 1984)
  • - Remplir un petit verre de carton (125 ml) aux deux tiers de bran de scie;
  • - Incorporer une cuillerée à thé (5 ml) d'huile de sassafras et une cuillerée à table (15 ml) de vinaigre très froid;
  • - Ajouter assez de colle pour saturer le mélange;
  • - Laisser sécher quelques jours;
  • - Suspendre l'appât dans un bocal à conserve partiellement rempli d'eau.
  •  

    Pièges à phéromones

    Les pièges à phéronomes- substances synthétiques identiques aux produits secrétés par les insectes comme message sexuel ou autre- sont utilisés couramment pour le dépistage du carpocapse. Ces pièges, de forme deltoïde ou entonnoir, peuvent capturer un grand nombre de ces papillons sans toutefois pouvoir contrôler le carpocapse.

    Pièges lumineux

    Le contrôle du carpocapse à l'aide de pièges lumineux a fait l'objet d'intenses recherches aux Etats-Unis dans les années '30. Des vergers de grandes superficies (35 acres) utilisaient cette méthode. La technique n'a pas résisté à l'apparition des insecticides synthétiques bon marché alors que le contrôle à l'aide de pièges lumineux est très coûteux. Il s'agit aussi d'une méthode non-sélective dans une certaine mesure car elle peut nuire à d'autres lépidoptères nocturnes inoffensifs. En fait, le carpocapse est moins attiré par la lumière que la plupart des autres lépidoptères étant de nature crépusculaire plutôt que nocturne. Les lampes peuvent aussi prolonger artificiellement la période d'activité du carpocapse.

    Principes: L'étude du comportement du carpocapse indique que:

  • - De deux sources lumineuses de même spectre mais d'intensité différentes, le carpocapse choisit la plus intense;
  • - De deux sources lumineuses de spectres différents, le carpocapse choisit le spectre qui l'attire le plus même si l'intensité de l'autre source est plus grande;
  • - Les fréquences qui attirent le plus le carpocapse sont le presqu'ultra-violet, surtout le violet et le bleu. Il faut noter que les fréquences les plus attirantes ne sont pas nécessairement désirables, car elles stimulent la ponte.
  • Type de lampes: En verger, les tubes à vapeur de mercure de couleur bleu-pâle sont les plus attirants:ils produisent beaucoup de fréquences désirables et peu de chaleur. La puissance de lampe la plus fréquemment rencontrée est 75 watts.

    Les carpocapses ne sont pas attirés à une distance de plus de 17 m de la lampe. Ils sont le plus actifs au crépuscule et à l'aube et ne sont donc attirés par les pièges lumineux que quand l'illumination naturelle est inférieure à 0,2 bougie/pieds. Les pièges lumineux sont inefficaces en bas de 15,6C alors que les carpocapses sont inactifs. La plupart des études indiquent que les mâles sont plus attirés que les femelles par les pièges lumineux.

    Types de pièges: Une fois les carpocapses attirés, il faut bien sur les piéger. Des essais ont démontré que les pièges qui électrocutent sont plus efficaces que les pièges consistant en un plat d'eau sous la lampe. Par contre, le piège le plus efficace consiste en une combinaison de piège lumineux et olfactif: il s'agit d'une lumière avec réflecteur suspendu au-dessus d'un plat de 30 cm contenant un appât fait d'eau et de mélasse. En verger standard, la réduction des dommages n'est possible qu'avec un piège dans chaque arbre, à chaque deux arbres à la limite. Les meilleurs résultats sont obtenus en plaçant le piège lumineux le plus haut et le plus près possible du centre de l'arbre, avec le moins de feuillage possible au-dessus du piège.

    Adaptation: La recherche sur les pièges lumineux datant quelque peu, on doit envisager certaines adaptations. Par exemple, il serait intéressant de combiner les pièges à phéromones aux pièges lumineux ou encore de trouver le nombre de pièges nécessaires en verger semi-nain.

    Moyens de lutte culturaux

    Racler l'écorce détachée des troncs au printemps avec un racloir à peinture, une houe ou de la broche à poule de 25 mm, tout en récupérant les raclures sur une couverture au pied de l'arbre afin de les détruire. On peut ainsi éliminer des pupes de carpocapses et prévenir les sites de choix pour l'hivernement des larves.

    Ramasser les fruits aussitôt tombés avant que les larves ne quittent les fruits.

    Tondre le mélilot blanc dans les environs du verger car la larve du carpocapse aime faire son cocon à l'intérieur des tiges (Hall-Beyer et Richard, 1989).

    Moyens de lutte physiques

    Ensachage

    L'ensachage des fruits sur l'arbre est une méthode efficace mais très exigeante en main-d'oeuvre. Au Japon, pour protéger contre le carpocapse et la tavelure tardive du même coup, on enferme les pommes dans des sacs en papier, de juin jusqu'à un mois avant la récolte. La pratique était aussi courante en France dans le passé dans les vergers des environs de Paris. L'ensachage commence à être populaire dans les vergers de Colombie-Brittanique, surtout pour les pommes de variétés Fuji destinés à l'exportation sur le lucratif marché japonais. La seule façon de justifier l'ensachage est d'avoir un petit verger ou un marché lucratif.

    Moyens de lutte biologiques

    Prédateurs et parasites

    Même dans les pays d'Europe d'où il origine, le carpocapse n'est pas bien contrôlé par ses ennemis naturels du moins pour ce qui est des insectes prédateurs et parasites. Il y a donc peu d'espoir du côté du contrôle biologique avec des insectes au Québec comme unique moyen de lutte du carpocapse. On peut favoriser les prédateurs vertébrés du carpocapse (pics, mésanges, chauve-souris) en plaçant un grand nombre de cabanes dans le verger (une dans chaque arbre idéalement) et du suif en hiver. Une étude réalisée en Nouvelle-Ecosse citée par Hall-Beyer et Richard (1989) a démontré que le pic mineur et le pic chevelu mangent environ la moitié des larves hivernantes du carpocapse.

    Dans un contexte de production biologique, l'aide des parasites naturels n'est pas à négliger. Leius (1967) a observé en Ontario que la présence au verger d'une grande variété et quantité de fleurs sauvages permettait d'augmenter par un facteur de cinq le parasitisme des larves de carpocapse par des hyménoptères. On suggère d'implanter au verger des couvre-sol à fleurs favorables au parasites du carpocapse telles que le trèfle, la moutarde, l'alysse, le sarrasin ou des composées du type marguerite. L'introduction au verger de guêpes parasitaires du carpocapse (trichogrammes et Ascogaster quadridentata) peut aider grandement au contrôle mais demande une synchronisation parfaite avec le cycle du carpocapse: les oeufs des guêpes doivent éclore au moment où les carpocapses pondent. Il faut donc relâcher les guêpes alors que 50 degrés-jours au-dessus de 11C se sont accumulés depuis la première capture d'adultes dans les pièges à phéromones.

    Maladies

    Le contrôle biologique du carpocapse à l'aide de maladies semble prometteur en verger commercial. Le virus CMGV (Codling Moth Granulosis Virus) ou carpovirus est aussi efficace que des insecticides chimiques pouvant éliminer jusqu'à 80% des larves et 95% des trous dans les pommes. Le carpovirus n'est cependant pas encore homologué au Canada.

     

    Avantages du carpovirus Désavantages du carpovirus
  • -spécifique au carpocapse
  • -peut être mélangé à d'autres
  • produits
  • -non-toxique pour les vertébrés
  • - coûteux à produire
  • - plusieurs arrosages requis par génération
  •  

    L'utilisation de Bt n'est pas efficace car les larves sont peu de temps à la surface des fruits et cela nécessiterait donc un grand nombre d'arrosage pour un contrôle vraiment efficace. Bérard et al. (1991) suggère de synchroniser une première application dix jours après le pic de captures observé dans le piège à phéromone ou à 520-560 degrés-jours au-dessus de 5C. Hall-Beyer et Richard (1989) conseillent d'arroser le Bt à partir de 140 degrés-jours au-dessus de 11C et tous les 5 jours pendant trois semaines après ce moment. Pour améliorer l'efficacité du Bt, on peut ajouter du lait écremé, ce qui augmente la quantité de Bt ingérée.

    Autres moyens de lutte

    Insecticides végétaux

    En production biologique on utilise le plus souvent les insecticides botaniques comme le pyrèthre, la roténone ou la ryania.

    La ryania est considérée depuis longtemps comme l'insecticide botanique de choix contre le carpocapse. Hall-Beyer et Richard (1989) conseille de mélanger de la poudre de Ryania à 50%, à raison de 10 grammes par 10 litres d'eau avec aussi un peu de surfactant comme le Basic-H de Shaklee. Le premier arrosage se fait lorsque le seuil de tolérance est atteint, soit en général 10 à 14 jours après l'apparition des premiers adultes. On réalise par après un arrosage tous les 10 jours jusqu`à ce qu'on ait effectué 4 ou 5 arrosages.

    Des chercheurs américains en sont arrivés à la conclusion que l'utilisation combinée de la roténone et du pyrèthre à raison de 0,48 kg/ha et 0,91 litre/ha respectivement, pouvait contrôler des populations basses (moins de 5 insectes par piège) ou moyennes (40 à 50 insectes par piège) de carpocapses, mais pas des populations hautes (plus de 80 insectes par pièges). De plus, ce moyen de contrôle n'était économique que dans le cas où un producteur pouvait profiter d'une prime pour sa production biologique.

    La terre diatomée peut être efficace contre les larves qui ont à se déplacer pour rejoindre un fruit mais, n'étant pas sélective, elle peut être aussi dommageable aux insectes bénéfiques. L'eau savonneuse et les huiles de poisson tuent aussi les insectes à découvert.

    Répulsifs végétaux

    Les capucines à la base des arbres ont la réputation de repousser le carpocapse. Les infusions de tanaisie ou d'absinthe pulvérisées (Schmid et Henggeler, 1988) et de tagètes (Hills, 1962) peuvent induire le papillon en erreur en masquant l'odeur des pommes.

    Confusion sexuelle

    La confusion sexuelle (mating disruption) consiste à utiliser un grand nombre de diffuseur de phéromones afin d'inonder le verger de ces messages odorants et ainsi confondre les mâles pour qu'ils ne trouvent pas partenaires et procréer. La méthode est très efficace mais coûteuse et est maintenant homologué au Canada.

    Autres méthodes

    L'inondation des vergers avec des carpocapses mâles stériles n'est possible que pour des vallées de production isolées (ex: Okanagan) et exige du temps et des investissements énormes.

    Bibliographie

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    Yepsen, R.B. (éditeur). 1976. Organic plant protection. Rodale Press, Emmaus, Pennsylvania.

    Yepsen, R.B. (éditeur). 1984. The encyclopedia of natural insect and disease control. Rodale Press, Emmaus, Pennsylvania.

    MISE-EN-GARDE

    Ce document a pour but de faire la synthèse de l'information scientifique et populaire disponible sur le sujet traité, dans une perspective d'agriculture biologique. Il ne s'agit donc pas de recommandations ou d'un guide de production.

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