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LA COMPÉTITIVITÉ VERTE

La notion de la compétitivité de longue durée n'exclut pas celle du développement durable pour l'entreprise désireuse de prospérer dans une économie mondialisée.

By/Par Stuart B. Hill, John C. Henning

Il y a quelques années seulement, l'environnement était considéré comme un « bien gratuit » plutôt qu'un bien économique ayant une valeur et un prix économiques. Aujourd'hui, nous subissons les conséquences de cette façon de penser, et nous serons désormais de plus en plus obliges de tenir compte de l incidence écologique de tous les actes, politiques et programmes.

À prime abord, il pourra apparaître que les mesures visant à protéger l environnement se répercuteront sur la capacité de devenir plus compétitifs dans une économie mondialisée. Il pourra toutefois être possible d atteindre les deux objectifs si nous cadrons notre point de vue d'une autre manière. Nous devons notamment envisager la compétitivité selon l'optique du long terme: une optique qui tiendra compte des besoins des générations à venir et de la santé de la planète.

LA COMPÉTITIVITÉ ET l'ENVIRONNEMENT

Les débats actuels sur la politique publique en matière cie compétitivité sont grandement influencés par les travaux du professeur Michael Porter de Harvard'. D'après Porter, nous devrions viser à atteindre un niveau de vie élevé et en pleine progression grâce à la compétitivité, soit la capacité d'une entreprise d'exporter une fraction appréciable de sa production. L'accroissement de la productivité est la clé de la compétitivité à long terme. À son tour, la productivité n'est limitée que par l'ampleur de notre investissement, de notre recherche et de notre développement, ainsi que par la stabilité de notre base de ressources.

Dans le modèle de Porter, toutefois, la croissance économique repose sur l'utilisation accrue de matières et d énergie, et le rôle de l' environnement est relégué à celui de fournisseur de matières premières. Sur la base de ce modèle reconnu, certaines entreprises se demandent s' il est possible d'assurer la croissance de l'économie tout en protégeant environnement. En réaction, de nombreux particuliers et groupes font valoir que l'économie ne peut poursuivre sa croissance sans la protection de l'environnement.

L'environnement se compose d'un groupe complexe de systèmes liés qui, à l'état sain, fournissent un habitat idéal pour nos espèces. Dans des conditions naturelles, ces systèmes se maintiennent et se renouvellent d'eux-mêmes. Ils ne sont pas statiques et évoluent généralement vers des conditions plus stables.

Dans sa quête de la croissance et de la compétitivité, toutefois, l'entreprise s'engage dans des activités qui portent atteinte à la capacité de renouvellement de l'environnement. En dernière analyse, cela nuit à la productivité à la fois de l'environnement et de la société en soi.

Pour remédier à ces problèmes, nous devons connaître et respecter les limites naturelles de l'environnement en ce qui a trait à la quantité de ressources que l'on peut exploiter, au degré d'interférence que l'environnement peut tolérer et à la

LE NIVEAU DE VIE PAR RAPPORT À LA QUALITÉ DE VIE

Certains détracteurs du modèle de compétitivité de Porter prétendent que le niveau de vie, même s'il peut être rehaussé, n'est pas un objectif stratégique central convenable. Ainsi, la recherche d'un niveau de vie plus élevé par le biais d'un accroissement de la compétitivité ne conviendrait pas non plus.

On tend à associer le terme « niveau de vie » à l'affluence, aux conforts matériels, à la puissance et aux priorités quantitatives. Et il est essentiellement mesuré par un seul indice, le produit intérieur brut (PIB). Bien qu'il s'agisse d'une mesure utile de l'activité économique relative aux opérations conclues en devises, le PIB n'est pas un reflet des aspects considérer comme étant à l'extérieur du marché. II donne essentiellement une piètre mesure du bien-être du peuple d'un pays. Étant donné que les décideurs tiennent rarement compte de ce fait, des décisions visant à profiter à la société ont parfois des conséquences involontaires et nuisibles. Remarquons, par exemple, le paradoxe de la destruction des forêts tropicales qui se solde dans chaque cas par un accroissement du PIB du moment.

La qualité de la vie serait un meilleur critère décisionnel. Cette notion plus large comporte une variété d'indices, depuis la santé et l'alphabétisme de la population en général jusqu'au taux de chômage et à la santé de l'environnements. Par conséquent, lorsque Allan Randall affirme que la rareté progressive des ressources et la dégradation de l'environnement réduiront la qualité de la vie, il ne parle pas seulement de l'ampleur du chèque de paies.

Dans leur étude, van Duren et autres citent plusieurs auteurs d'études de marché dont les résultats indiquent que les valeurs et priorités du peuple changent en faveur d'une amélioration de la qualité de la vies. L'accroissement de la demande de produits verts est l'une des mesures du changement des valeurs. Plus les gens deviendront sensibilisés à la question, plus ils récompenseront ceux qui sauront assumer leur responsabilité environnementale sur le marché, et plus ils boycotteront les entreprises qu'ils croiront irresponsables. Les entreprises prospères de demain seront celles qui répondent à ce besoin. Ce faisant, elles pourront aussi se faire un créneau qui les rendra plus en mesure de concurrencer à l'échelon international.

RÉGLEMENTATION

Bien que la plupart des gouvernements n'aient pas réussi à protéger adéquatement'environnement, certains d'entre eux commencent à imposer des règlements qui inciteront l'entreprise à assumer ses responsabilités. Depuis quelque temps, un nombre supplémentaire de ces règlements sont basés sur le principe du « pollueur paie » (en réaction, en partie, aux problèmes budgétaires du gouvernement) et augmentent les risques liés à leur inobservation.

Ces règlements donnent lieu à des débats animés, notamment s'ils traitent de la responsabilité environnementale. Dorénavant, l'entreprise aura beaucoup plus de difficulté à obtenir de l'assurance et du crédit à moins qu'elle ne puisse démontrer qu'elle se préoccupe véritablement des risques environnementaux. Par exemple, la Loi sur la protection de l'environnement de l'Ontario pourra rendre les banques responsables des problèmes créés par leurs débiteurs. Si un débiteur faisait faillite en conséquence d'un fait comme le déversement de produits chimiques, le bailleur pourrait être déclaré responsable de frais de nettoyage pouvant atteindre des centaines de millions de dollars.

Le cours des événements a porté l'Association des banquiers canadiens à faire paraître un document de travail dans lequel elle fait valoir que les lois de ce genre nuiront au marché financier canadien. Même si cette réaction n'est pas étonnante, la nouvelle loi souligne que la responsabilité environnementale est une question que les préteurs devront prendre au sérieux au même titre que toute autre dette actuelle ou éventuelle d'un débiteur.

Dans le cadre des nouvelles tendances en matière de réglementation, des dirigeants et administrateurs de sociétés ont étés déclarés personnellement responsables de la mauvaise gestion de l'environnement. Par exemple, en février 1992, Bata Industries Ltd. et deux de ses administrateurs ont dû verser une amende après avoir été condamnés en vertu de la Loi sur les ressources en eau de l'Ontario.

Ces tendances ont une incidence positive parce qu'elles forcent le marché à tenir compte des risques environnementaux ou à investir les ressources nécessaires à leur prévention, ce qui est beaucoup plus efficace que si l'on reposait sur l'État et les deniers publics pour assainir l'environnement après coup.

PASSAGE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Il est possible de passer au développement durable de l'économie tout en améliorant la qualité de la vie et sans accroître constamment nos demandes en ressources naturelles et en énergie Pour ce faire, il faudra néanmoins trouver l'échelle optimale de croissance économique qui sera compatible avec la nécessité d'assurer le renouvellement continu de l'écosysteme.

Nous demeurons aux premières étapes d'une transition nécessaire qui exigera une définition de la compétitivité et de l'activité économique productive compte tenu de l'environnement. Cette transition a lieu graduellement et traduit l'évolution de la manière dont les etres humains considèrent l'environnement. Tel que mentionné ci-dessus, l'évolution des valeurs se reflété sur le marché, et les entreprises doivent également participer à la transition.

Le passage immédiat à des pratiques environnementales entièrement saines serait malavisé pour la plupart des entreprises. La meilleure façon de procéder serait d'élaborer un plan stratégique de mise en oeuvre graduelle. Le cadre conceptuel « Efficiency-Substitution-Redesign »7 est un modèle utile à cet égard. Selon le modèle, une entreprise passe graduellement de la réalisation de modifications mineures en matière d'efficacité à la substitution d'activités et, enfin, au remodelage de ses procédés et méthodes.

En matière d'efficacité, les stratégies comportent la modification mineure des pratiques courantes afin d'améliorer la production et de réduire les pertes par unité d'intrant. Même s'il s'agit généralement des stratégies les plus faciles et les plus rapides à mettre en oeuvre, elles peuvent se solder par des épargnes appréciables et, ce qui est plus important encore, aider à créer un climat d'entreprise qui réservera meilleur accueil à des changements plus radicaux. Les fabricants de détergents et de liquides assouplissant, qui ont commencé à commercialiser leurs produits sous forme de concentré ou de poudre et réduisent en même temps les emballages et l'espace d'entreposage requis, illustrent l'application d'une stratégie d'efficacité.

Dans le cadre d'une stratégie de substitution, un produit, un procédé ou une méthode causant du stress environnemental est remplacé par un autre moins nuisible. Par exemple, des matières premières non renouvelables pourront être remplacées par des matières renouvelables et recyclées. Les stratégies de substitution ont donné lieu à des innovations des plus intéressantes qui vont même au recours à la biotechnologie pour transformer un problème d'évacuation des déchets en un nouveau processus de fabrication de produits.

Par exemple, les 140 usines de pate à papier au Canada rejettent 2,7 milliards de litres d'effluent pollué par an. Epicore Networks Inc. y a vu une occasion d'affaires et fait l'élevage de cultures bactériennes qui digèrent les déchets de pâte organique et de papier dans les bassins à boues'3. Grâce à une autre stratégie de substitution, Tembec Inc. produit quelque 15 millions de litres d'alcool éthylique industriel par an à partir du rejet de lessive de bisulfite à son usine de Témiscaming (Québec).

On porte aussi un intérêt croissant à l'utilisation de matières premières agricoles dans divers procédés industriels --à un prix qui pourra concurrencer celui des matières premières non renouvelables. Parmi les exemples, citons l'emploi d'herbage dans la fabrication de papier journal, de fibres végétales dans les composés de renforcement et les matériaux de construction, et d'huiles végétales dans les graisses de lubrification et l'encre d'impression.

REMODELAGE

En dernière étape, l'approche est plus balistique. L'objet est de prévenir les problèmes environnementaux grâce à la conception et à la gestion de systèmes fondés sur les principes écologiques et sociaux. La mise en oeuvre de stratégies de remodelage se fait moins rapide que dans le cas des stratégies de substitution et d'accroissement de l'efficacité, et exige souvent des modifications fondamentales des valeurs de l'entrer prise. Pour être véritablement efficace, une stratégie de remodelage doit bénéficier de l'appui de tous les échelons du personnel de l'entreprise et de ses tiers concernés.

Le remodelage est rarement mis en oeuvre avant que l'entreprise ait constaté les limitations des stratégies d'efficacité et de substitution, et qu'elle ait développé une culture qui appuie le principe de « se rendre plus loin ». Il résulte souvent d'une modification du point de vue des intéressés. La première fois que nous sommes mis en présence des problèmes environnementaux, nous avons tendance à refuser de les reconnaître ou à trouver des solutions simplistes qui s'avèrent vite inadéquates. Après un second examen, nous sommes souvent accablés par la complexité du problème. Postérieurement à des analyses supplémentaires, nous nous rendons compte de la nécessité d'apporter un changement simple, mais fondamental. C'est à cette étape qu'on pourra mettre en oeuvre un véritable remodelage, plutôt qu'une « cure » qui ne fera que dissimuler les vraies causes du problème.

Une stratégie de remodelage relativement simple serait d'embaucher une entreprise de gestion de l'environnement et de lui confier la tache de prévenir les problèmes grâce à l'entretien des systèmes. De nombreuses entreprises le font déjà. En 1990, le secteur de la protection de l'environnement en Ontario affichait un chiffre d'affaires de 2,5 milliards de dollars et employait 30 000 personnes, soit grosso modo le nombre de travailleurs engagés dans l'industrie de l'automobile. D'après un rapport récent de Ernst & Young, les entreprises du secteur de l'environnement connaîtront le taux de croissance le plus rapide de tous les autres secteurs commerciaux dans les années à venir.

Étant donné la possibilité d'un «< froid du crédit et de l'assurance » à la suite de la réglementation plus sévère, certaines entreprises élaborent un programme explicite de gestion de l'environnement. Ces programmes comportent la mise en oeuvre de politiques sur les questions écologiques, la mise en application de procédés d'exploitation, de tests réguliers basés sur des normes de l'environnement reconnues, ainsi que des révisions et des comptes rendus systématiques. L'International Institute for Sustainable Development prône une stratégie liée: l'étude des tiers concernés'°. Ce processus permet de cerner les intérêts de toutes les parties touchées par les activités de l'entreprise afin de tenter d'éliminer les conflits avant qu'ils ne se soulèvent.

Un programme complet de recyclage et de réutilisation est un bon exemple de stratégie de remodelage issue de la stratégie d'efficacité et de substitution. Des stratégies de remodelage réussies peuvent émaner de la décision de la direction de recycler tout ce qu'elle peut, et de passer par la suite à la conception de nouveaux produits et au remodelage d'anciens produits compte tenu de la politique de recyclage.

La plupart des gens se rendent compte que la production et la consommation d'aliments donnent lieu à de vastes quantités de déchets organiques qui aboutissent généralement dans une décharge. Dans l'ire de Montréal, par exemple, il se produit environ 6 000 tonnes de déchets organiques par semaine, et bien des entreprises doivent verser jusqu'à 60 $ la tonne pour éliminer leur part. Et ces frais sont en pleine progression.

I es chercheurs du campus Macdonald de l'Université McGill collaborent avec l'industrie afin d'étudier la possibilité de transformer les déchets alimentaires en aliments pour les animaux ou en compost. Ils ont déjà repéré plus de 200 sources et 300 catégories de déchets représentant 600 tonnes par semaine. Les entreprises qui fournissent des déchets au projet de recyclage comprennent le service de restauration de Delta Air Lines et Rougemont, une entreprise alimentaire engagée dans la préparation des pommes.

Une fois que l'entreprise a intégré l'éthique écologique à ses produits, elle doit élaborer un programme de communication efficace afin d'informer le consommateur et de distinguer ses produits des autres.

L'expérience de Mohawk Oil Inc. illustre l'importance des communications. Depuis plus d'une décennie, Mohawk est le seul détaillant de carburants comprenant de l'alcool éthylique. Ces carburants sont commercialisés sous le logo écologique d'environnement Canada et on s'attendrait à ce que leur chiffre d'affaires soit élevé. Une enquête réalisée en 1991 indique toutefois que le consommateur n'était généralement pas au courant des mesures prises par Mohawk. En réaction, l'entreprise a lancé une autre campagne publicitaire soulignant les avantages de ses produits. Plusieurs mois plus tard, une autre enquête plaçait Mohawk au premier rang des sociétés pétrolières perçues comme prenant des mesures afin de protéger l'environnement, et les ventes d'essence avec alcool éthylique avaient progressé à 48 % du chiffre d'affaires".

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