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AGRO-BIO - 370 - 01

LE HERSAGE DES PATURAGES

Table des matières

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par Jean Duval, agr., M.Sc.
septembre 1991

Le hersage des pâturages est une pratique courante dans certains pays. Cette pratique a cependant des adversaires aussi bien que des adeptes. Le sujet est complexe car on doit considérer plusieurs facteurs tels que la composition du pâturage, le type de sol, l'état physique du sol (degré de compactage), la fréquence des hersages, la profondeur du hersage, le type d'appareil utilisé, l'activité biologique du sol, etc. Cette complexité est ce qui explique qu'en certains cas on a observé des augmentations de rendements avec hersage tandis que dans d'autres cas, on a observé des diminutions de rendements.

Pourquoi herser?

Voisin (1962) a détaillé les arguments en faveur et en défaveur du hersage.

Bienfaits potentiels

  • - Le hersage permet d'aérer le sol, donc d'augmenter la nitrification et d'éviter l'acidification. Le résultat est une stimulation de la croissance des plantes qui permet de garder les animaux un peu plus longtemps au pâturage.
  • - Le hersage facilite l'infiltration des pluies et de l'air.
  • - Le hersage contribue à détruire les mousses et les mauvaises herbes en certains cas.
  • - Le hersage enlève la masse compacte de matière organique morte en surface de la prairie.
  • - Le hersage répartit les déjections ce qui permet:
  • - De mieux répartir la valeur fertilisante de ces dernières. Selon une étude réalisée par des chercheurs de l'Université du Kentucky citée par Traupman (1990), la valeur fertilisante NPK d'une bouse de vache est de 322-237-212. Dans un pâturage où paissaient 25 génisses Angus, plus de 8,5% de la superficie a été couverte en 14 jours par les bouses. Réparties par le hersage, les déjections équivalaient à l'application de 225 kg/ha de 10-10-10 ce qui représente un gain économique important;
  • - D'en faciliter la décomposition. La décomposition des bouses prend 2 mois ou plus, selon le niveau d'activité biologique de la prairie, l'humidité et la consistence des bouses, la pluviométrie et la température. En réduisant la taille des bouses, on facilite l'incorporation des déjections au sol par la pédofaune et leur utilisation par les microorganismes;
  • - D'éviter l'inégalité de croissance et l'introduction de certaines mauvaises herbes. Les bouses en cachant la lumière empêchent les herbes de bien repousser, ce qui peut favoriser la croissance de graines de mauvaises herbes contenues dans le fumier. En fait, les bouses tuent la végétation sous elles pour une période de 6 à 12 mois. Weeda (1967) a observé que le trèfle blanc était souvent le premier à recoloniser ces zones d'herbes mortes après la décomposition des bouses. De plus, les marges des bouses encouragent le tallage. Le hersage permet une plus grande uniformité de croissance.
  • Méfaits potentiels

  • - Les blessures faites aux plantes de prairies favorisent la croissance des mauvaises herbes, surtout la levée des graines dans les espaces dénudés. Les blessures peuvent éventuellement favoriser les maladies.
  • - La formation de mousses est causée par des facteurs (déséquilibre minéral, acidité) que le hersage ne pourra pas corriger.
  • - Un hersage vigoureux ne peut qu'endommager les racines des bonnes plantes qui se retrouvent surtout dans les premiers 5 centimètres de sol, tandis que les mauvaises herbes à racines profondes seront encouragées par le fait même. Selon Weeda (1967), le hersage a tendance à favoriser le raygrass.
  • - Les herbes de pâturages aiment bien les sols raffermis alors que la herse détasse le sol.
  • - Dans un sol de prairie, le hersage peut affecter grandement l'activité biologique qui se retrouve surtout en surface (10 cm). Si le sol est tassé et peu actif, c'est peut-être qu'il n'y a pas assez de vie. Il faut alors découvrir pourquoi il en est ainsi, car le hersage n'aura pas d'effet à long terme.
  • Effet sur l'appétence du pâturage

    Dans un pâturage extensif, la zone de répugnance entourant une bouse peut avoir jusqu'à 8 mètres de diamètre. En pâturage intensif, cette zone est réduite à presque rien mais l'appétence est quand même diminuée. C'est d'abord l'odeur des bouses qui rebute les animaux mais il y aussi le fait que l'herbe près des bouses est en général plus mature et la fibre plus grossière, ce qui déplait aux animaux. En pratique, le problème d'appétence diminue la consommation et donc la production.

    La question de la faible appétence des bovins près des bouses a souvent constitué un incitatif au hersage, le but étant d'éviter que le bétail ne dédaigne l'herbe du pâturage. Encore là, les opinions sont partagés. Murphy (1987) considère que le fait de disperser les bouses avec la herse contamine la prairie avec les parasites contenues dans les bouses et décroît l'appétence sur l'ensemble du pré (les pattes des animaux sont cependant les meilleurs vecteurs de propagation des parasites dans les pâturages). Selon des expériences anglaises rapportées par Reid et al. (1972), la superficie de pâturage rejetée n'est pas affecté par le hersage, ce qui veut dire que l'appétence ne croît ni ne décroît en hersant.

    Semple (1970) cite des chercheurs américains qui ont observé une consommation d'herbe de près du double où il y avait eu hersage dans une prairie naturelle de Louisianne. Ces mêmes chercheurs concluaient qu'il était peu utile de herser une prairie non fertilisée.

    Herse vs bousier

    Dans les régions chaudes de la planète, différents coléoptères de la famille des scarabidées sont très efficaces à faire disparaître les bouses. Ces insectes, les bousiers, dispersent les déjections en formant des boulettes qu'ils enfouissent dans le sol pour nourrir leurs larves. Bornemissza et Williams (1970) ont prouvé que le travail des bousiers avait un impact très favorable sur la croissance des plantes.

    Dans certaines régions du globe, notamment en Australie, on a introduit des bousiers efficaces qui permettent de répartir efficacement les déjections bovines. MacQueen et Beirne (1975) en Colombie-Britannique considère qu'il serait nécessaire de faire de même dans les prairies de leur province.

    Dans l'extrême sud du Québec, selon Chagnon (1962), nous avons environ 25 espèces de scarabidées dans la sous-famille des laprostictides, sous-famille qui dépend surtout du fumier de cheval ou de ruminant. Le nombre d'espèces diminue rapidement en allant vers le nord. Bien qu'aucune étude sérieuse n'ait été faite sur la question, le professeur Henri Howden de l'université Carleton d'Ottawa, spécialiste des scarabidées au niveau mondial, affirme que les espèces de bousiers qui existent au Québec ne sont pas très efficaces. En attendant l'introduction de nouvelles espèces plus efficaces, il croit qu'il est préférable d'herser les pâturages.

    Quand et comment herser

    Le hersage est habituellement réalisé peu après que les animaux aient quitté une parcelle. Reid et al. (1972) ont cependant noté que les bouses très humides sont mal dispersées par le hersage. On aura donc peut être avantage à attendre un certain temps pour obtenir de meilleurs résultats.

    Il apparaît qu'un hersage léger et peu profond dans le seul but de répartir les bouses soit une pratique rentable. L'instrument idéal à ce propos est la herse légère (diamond harrow, hercules harrow, flexible chain harrow) dite herse à "pacage". On peut aussi employer une sarcleuse à dents flexibles (Lely) ou une houe rotative. Les instruments qui travaillent plus profondément comme la herse à dents rigides sont d'usage plus risqué.

    Il existe des instruments spécialement conçus pour l'aération des pâturages permanents. L'appareil Aer-Way, de fabrication canadienne, fait des incisions discontinues dans le sol jusqu'à 15 cm de profondeur, ce qui permet d'aérer les pâturages compactés, et d'incorporer engrais et amendement. Le même appareil peut être utilisé pour la rénovation des pâturages sans retournement du sol et pour prolonger la vie des prairies de luzerne (suivre les indications de la compagnie pour ces usages).

    Des expériences faites avec un appareil similaire au Aer-Way au pays de Galles, ont prouvé que l'aération pouvait doubler le rendement d'un pâturage utilisé pendant 6 mois chaque année depuis 26 ans par des bovins laitiers (Davies et al., 1989). L'élimination du compactage existant dans les premiers 12 cm du pâturage a permis d'accroître la disponibilité et l'absorbtion des nitrates et du potassium.

    Adresses utiles

    Holland Equipment Limited

    20 Phoebe Street

    Norwich, Ontario N0J 1P0

    tél: (519) 863-3414; fax: (519) 863-2398

    Manufacturier de l'appareil Aer-Way, distribué au Québec par Les Ventes Georges Kremmel, 3486 Ave. Cavanaugh, Montréal, Qc, H4B 1X3, (514) 486-9170.

    Bibliographie

    Bornemissza, G.F. et C.H. Williams. 1970. An effect of dung beetle activity on plant yield. Pedobiologia, 10:1-7.

    Chagnon, G. et A. Robert. 1962. Principaux coléoptères du Québec. Les Presses de l'Université de Montréal, Montréal.

    Davies, A., W.A. Adams et D. Wilman. 1989. Soil compaction in permanent pasture and its amelioration by slitting. Journal of Agricultural Science, Cambridge, 113:189-197.

    Macqueen, A. et B.P. Beirne. 1975. Effects of cattle dung beetle activity on growth of beardless wheatgrass in British Columbia. Canadian Journal of Plant Science, 55:961-967.

    Murphy, Bill. 1987. Greener pastures on your side of the fence. Arriba Publishing, Colchester, Vermont. 215 pages.

    Reid, G.W., J.F.D. Greenhalgh et J.N. Aitken. 1972. The effects of grazing intensity on herbage consumption and animal production. Journal of Agricultural science, Cambridge, 78:491-496.

    Semple, A.T. 1970. Grassland improvement. Leonard Hill Book, Londres. 400 pages.

    Traupman, Michael. 1990. Father tine:his revolutionary harrows are making our pastures greener. The New farm, février 1990, pages 14 à 17.

    Voisin, André. 1960. Dynamique des herbages. La Maison rustique, Paris. 319 pages.

    Weeda, W.C. 1967. The effect of cattle dung patches on pasture growth, botanical composition, and pasture utilization. New Zealand Journal of Agricultural Research, 10:150-159.

    MISE-EN-GARDE

    Ce document a pour but de faire la synthèse de l'information scientifique et populaire disponible sur le sujet traité, dans une perspective d'agriculture biologique. Il ne s'agit donc pas de recommandations ou d'un guide de production.

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