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STOCKAGE DES CEREALES À LA FERME: La prévention s'impose

ALAIN DOUARD

Nature et progrès, No 136, janvier/février 1994, pp. 10-11

Des sachets de riz aux silos de blé, les stocks de céréales constituent des écosystèmes vivants et des garde-manger potentiels pour une armée d'insectes. En bio, pour empêcher ces ravageurs de nuire, la meilleure stratégie de lutte reste la prévention.

Un stockage de céréales à la ferme ne s'improvise pas, encore moins en agriculture biologique qu'en agriculture conventionnelle. Car si dans le second cas des interventions à l'aide d'insecticides chimiques peuvent se concevoir (fumigations par exemple), les moyens de lutte curatifs admis en agriculture biologique ne sont pas, pour la plupart, à portée de l'exploitation individuelle.

La prévention débute avant la récolte, par la préparation des locaux de stockage, ont rappelé les orateurs qui se sont exprimés sur la question lors d'un colloque sur les céréales biologiques (1).

Le cahier des charges "transformation des produits végétaux" de Nature et Progrès rappelle les mesures essentielles (balayage, ventilation, lavage à l'eau, éventuellement savonnage et rinçage des lieux et des machines); le bon sens et l'expérience en dictent d'autres. Sont à éviter: le stockage en silos de bois, dans des locaux avec planchers, faux-plafonds, maçonneries fissurées, recoins difficiles à nettoyer, voire à récurer. Ces choses-là sont connues et rabâchées.

On oublie par contre plus facilement les batteuses, remorques, vis transporteuses et autres gaines de ventilation, bref, tout le matériel de récolte et de manutention qui offre des cachettes sûres aux parasites où ils peuvent trouver gîte et couvert pour subsister d'une saison à l'autre. Enfin, le grain biologique lui-même est d'autant plus vulnérable que la culture n'a pas subit de traitements pendant sa croissance.

Ravageurs sournois

Longtemps (un mois environ pour le charançon) avant que les formes adultes de ce que l'on appelle les "ravageurs primaires" (le charançon est le principal d'entre eux) ne soient visibles, leurs larves se développent à l'intérieur des graines. A ce stade, seuls des moyens perfectionnés permettent de déceler une infestation, comme par exemple la mesure du CO2 dégagé ou celle du bruit émis par les larves au travail, détecté par des micros ultrasensibles.

Dans les stocks fermiers, il est par contre possible de déceler l'apparition d'insectes adultes en disposant des pièges à proximité ou dans les tas de céréales. Un grand nombre de pièges existent, de toutes formes, relativement simples et peu onéreux. Les pièges à phéromones (sexuelles ou d'agrégation) sont de ceux-là. Utilisés massivement, ils peuvent même être considérés comme un moyen de lutte, notamment sur des petits stocks, en particulier contre les mites de la farine et les teignes des grains. A noter également l'existence de pièges lumineux pour capturer ces lépidoptères, les alucites et en général tous les insectes volants.

Cette panoplie est cependant peu efficace contre les ravageurs qui vivent tout leur cycle installés à l'intérieur des tas. Pour déceler leur présence, éventuellement limiter leur prolifération, l'utilisation de pièges sondes introduits à l'intérieur du tas de céréales est recommandée. Les modèles sont nombreux mais, malgré leur efficacité, leur usage n'est pas encore aussi répandu que le recours aux pièges de surface.

Les pièges permettent de surveiller l'apparition des infestations, d'estimer leur évolution et de contrôler l'efficacité des mesures prises pour stopper le développement des ravageurs. Les opérations les plus simples à entreprendre, les seules qui soient d'ailleurs envisageables avec les moyens communément disponibles dans une exploitation agricole, sont le brassage (transvasage) et/ou la ventilation des tas. Les charançons n'aiment pas être dérangés et, surtout, le refroidissement des grains permet de bloquer le développement de tous les insectes (voir encadré).

En cas d'infestation précoce et massive et si les conditions (temps chaud persistant, échauffement du tas en raison d'un excès d'humidité du grain, absence d'installations de ventilation ou de moyen de brassage...) ne permettent pas d'arrêter la prolifération des ravageurs, mieux vaut alors confier rapidement la récolte à un organisme disposant des moyens nécessaires pour les éradiquer. En nombre, charançons, alucites ou autres teignes peuvent en quelques semaines déprécier considérablement une réserve de céréales et préparer le terrain pour d'autres parasites (moisissures, ravageurs secondaires) qui achèveront le désastre.

En effet, l'élimination des insectes dans les céréales bio nécessite le recours à des techniques difficiles à mettre en uvre sur une exploitation agricole et sont, d'une façon générale, réservées à des organismes stockeurs, minoteries et gros transformateurs.

Ainsi en est-il de la classique centrifugation et d'alternatives "non-chimiques" - toutes discutables en bio mais qui intéressent la production conventionnelle en butte aux problèmes des résidus - plus récentes ou moins courantes comme le gazage au CO2, la conservation en atmosphère inerte (azote, azote-CO2...), de l'asphyxie sous vice qui sont uniquement envisageables en cellules ou silos étanches. Plus lourdes encore: la congélation (-20 °C pendant quarante-huit heures) ou la désinsectisation par autoclave au CO2 à pression élevée (20 bars). Quant au traitement électrothermique (micro-ondes), n'en parlons pas dans le cadre de l'agriculture biologique !

(1) Colloque Biebourgogne-CGAB "Céréales en AB" Dijon, juillet 1993. Interventions de F. Fleuret-Lessard (Détection des insectes dans les stocks de céréales entreposées et méthodes de lutte non chimique) et de l'ITCF (La conservation des grains par la ventilation automatique de refroidissement en installation fermière) (P sertaut, J.C. Lasseran, G Niquet) Actes publics par Biobourgogne, 105, rue Mignottes, 89000 Auxerre.

Pour de bonnes doses d'air froid: la ventilation automatique

Pour assurer un stockage optimal des graines (céréales, pois, colza...) à la ferme pendant une longue période (une campagne), cellules et silos doivent être pourvus d'une ventilation de refroidissement adaptée à la capacité du stockage. Selon l'ITCF (2) il est possible d'automatiser le fonctionnement de cette ventilation moyennant un investissement relativement modeste (dès 3 500 F pour une thermométrie mobile pour cinq cellules de stockage et dès 1000 F pour un système simple d'automatisation). Cet équipement permet d'améliorer le rendement de l'installation et d'obtenir un refroidissement optimal du grain.

Au moment de la mise en silo, à la moisson, la température des grains est élevée (25-30 °C). Une bonne méthode consiste à l'abaisser par trois "doses" de ventilation étagées jusqu'à la fin de l'automne. L'automatisation partielle ou totale de l'installation de ventilation facilite la conduite de cette opération en trots étapes qui permet de refroidir le grain jusque vers 15 à 20 °C dans les premières semaines, vers 10 à 12 °C dès que les nuits fraîchissent et enfin, dans une troisième phase, à 5 °C dans le courant de l'automne.

Dans le cas d'une automatisation partielle, l'interrupteur d'alimentation du ventilateur est commandé par un thermostat réglable placé à l'extérieur du bâtiment. Pour la première phase de refroidissement, le thermostat est réglé sur 18 °C; la ventilation ne s'enclenche donc que lorsque l'air extérieur descend en dessous de ce seuil (la nuit, en principe) et le ventilateur s'arrête dès que l'air remonte au-dessus de ces 18 °C. On déclenche manuellement tout le circuit quand la totalité du grain est refroidie et on attend que les nuits fraîchissent à 10-12 °C pour, le thermostat réglé à ce même niveau, insuffler la deuxième "dose" de ventilation dans le stock et ainsi de suite en fin d'automne pour amener le grain vers 5 °C.

Inconvénient de ce système semi-automatique: il nécessite des sondages manuels réguliers à l'intérieur des cellules ou des silos, d'où l'intérêt de placer également des sondes thermostatiques à l'intérieur même des tas. Elles sont reliées à un ou plusieurs boitiers de lecture et peuvent commander le déclenchement définitif de la ventilation dès que la température voulue pour le grain est atteinte.

La ventilation de refroidissement à l'air ambiant est un excellent procédé pour lutter contre les insectes. Le refroidissement en trois étapes étalées jusqu'à l'automne permet, en outre, d'éviter la condensation qui apparaît dans les silos dès que la différence de température entre l'intérieur et l'extérieur est trop élevée {plus de 7 °C}.

Elément qui peut paraître paradoxal à partir du moment où les céréales contiennent, à la récolte, un taux d'humidité dans les normes commerciales (moins de 15 %), il n'y a pas lieu de s'inquiéter du degré hygrométrique de l'air utilisé pour la ventilation, font remarquer les spécialistes de l'lTCF. "Sous l'effet de la surpression engendrée par le ventilateur dans les gaines, l'air se réchauffe de quelques degrés ce qui entraîne une baisse sensible de son hygrométrie relative" expliquent-ils. Surtout, la quantité absolue d'eau véhiculée par l'air froid, même proche de la saturation (100 % d'humidité relative) est négligeable, de l'ordre de quelques grammes par mètre cube (3) et ne suffit pas à influencer le taux d'humidité du grain.

Par contre, insistent les spécialistes, il est indispensables de vérifier qu'après chaque dose de ventilation la température soit homogène dans tout le tas jusqu'à son sommet et qu'il ne subsiste aucune zone mal refroidie susceptible de s'altérer.

(2) Institut technique des céréales et des fourrages, voir (1)

(3) L'air atteint 100 % d'humidité lorsqu'il contient 4 g de vapeur d'eau/m3 à 0°C et 17g/m3 a 20°C.

 


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